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Fonds documentaire : Article
Titre Euthanasie : où en sont les débats ?
Source Sciences humaines
Auteurs CANNONE J
Date de parution 01/08/2010
Commentaire L’euthanasie, qui ne concerne pas que les personnes âgées, pose toujours question. Quels sont les enjeux actuels de ce débat en France?? «?On n’est pas là pour faire ça, on est rentrés pour soigner, pas pour tuer.?» Cette phrase d’une aide-soignante recueillie par la sociologue Véronique Guienne (1) résume le non-dit entourant l’euthanasie, mot tabou à l’hôpital. À travers une enquête auprès de médecins et soignants exerçant dans des unités de soins palliatifs ou en réanimation, la chercheuse a pu le remarquer?: «?Lorsqu’on parle de l’euthanasie, c’est généralement pour dire qu’on ne la pratique pas.?» Or, selon elle, «?il est clair que les équipes soignantes des hôpitaux provoquent régulièrement et sciemment la mort.?» Quelles réalités recouvre donc ce terme?? Faire mourir, laisser mourir Il existe quatre formes différentes d’euthanasie. En premier lieu, l’euthanasie active, c’est-à-dire l’administration délibérée de substances létales?: elle évoque une mort brutale, le plus souvent par l’injection de chlorure de potassium, entraînant l’arrêt cardiaque. Parfois présente dans les discours de médecins «?comme la définition pratique de ce que serait l’euthanasie, permettant de facto de la réfuter?», explique V. Guienne, cette technique illégale a été utilisée dans certains hôpitaux il y a une vingtaine d’années, avant les progrès de la sédation. Cette dernière, désignant l’administration d’antalgiques, constitue une deuxième forme très différente d’euthanasie. Pratiquée dans les services accueillant des malades en fin de vie, il s’agit là d’une euthanasie indirecte… bien que ce nom même lui soit dénié par une partie des soignants, au motif que le but premier de la sédation n’est pas de provoquer la mort, mais de soulager au mieux la douleur du patient dont le décès est imminent. On parle ainsi pudiquement du «?double effet?» de la sédation, terme consacré de la mort consécutive à une dose massive d’antidouleur. La troisième forme d’euthanasie, dite passive, est l’arrêt des soins thérapeutiques, reconnu en France au nom du refus de «?l’obstination déraisonnable?» lorsque la situation est jugée irréversible. La dernière forme d’euthanasie est l’aide au suicide?: le patient accomplit lui-même l’acte mortel guidé par un tiers lui ayant fourni les renseignements et moyens nécessaires pour se donner la mort. Le suicide assisté fut très discuté politiquement et médiatiquement dans le cas de Chantal Sébire. Atteinte d’une tumeur incurable, la quinquagénaire s’était vu refuser par la justice française le droit de se faire prescrire par son médecin un produit létal. Elle s’est suicidée en mars 2008 en absorbant une forte dose de barbituriques. De la loi aux pratiques Entre faire mourir et laisser mourir, la décision de fin de vie et l’euthanasie ne sont pas, comme on pourrait le penser, une affaire de «?face à face?» entre patient et médecin. En France, où 70?% des décès ont lieu à l’hôpital, infirmières et aides-soignantes sont tout aussi impliquées dans le processus de fin de vie. Autant de doutes, de divergences, de marges d’appréciation possibles. Avec les nuances qui s’imposent entre médecins selon leur âge, leur formation et leur parcours, les travaux sur le sujet (2) tendent à montrer chez eux une volonté marquée de sauver coûte que coûte, «?soigner à tout prix?». Oui, mais à quel prix justement?? Infirmières et aides-soignantes présentes auprès du patient pour les gestes du quotidien dénoncent, dans certains cas un «?acharnement thérapeutique?» de la part des médecins. Ceux-ci, formés pour «?faire vivre?», se refusent parfois jusqu’au bout à «?donner la mort?». Dans un tel contexte, quel rôle joue le législateur français?? La loi Leonetti du 22 avril 2005 (3) reconnaît la limitation ou l’arrêt des soins lorsque la situation est jugée irréversible. Avant son adoption, en cas de plainte, les médecins étaient accusés d’homicide. La loi admet en outre le concept de «?décision de fin de vie?» et les directives anticipées?: les souhaits d’un individu en matière de limitation ou d’arrêt de traitement peuvent être pris en compte s’ils ont été rédigés moins de trois ans avant que survienne l’état d’inconscience. Mais il y a loin de la loi aux pratiques. D’abord en raison de l’absence de directives anticipées dans de nombreux cas. Par ailleurs, pour des patients inconscients, tout consentement est évidemment impossible. Quant au consentement de la famille, dans certains services de réanimation, les médecins laissent volontairement les proches en dehors de la décision de fin de vie, justifiant cela par l’absence de compétences médicales de ces derniers et leur émotion susceptible, en pareil cas, d’altérer leur faculté de jugement, selon la sociologue Nancy Kentish-Barnes (4). Alors, quelle part peut prendre la famille dans la décision de fin de vie?? La législation ne lève pas toute interrogation éthique. La loi française satisfait-elle au principe du droit à disposer de sa mort?? La question reste ouverte. Si certains, à l’instar du philosophe Jacques Ricot (5), estiment que la loi Leonetti est équilibrée, d’autres dénoncent des insuffisances. C’est le cas du collectif Vincent Humbert, créé sous l’impulsion de Marie Humbert, mère de ce jeune tétraplégique qui avait réclamé en vain «?le droit de mourir?» au président Chirac en 2002. M. Humbert et Frédéric Chaussoy, le médecin, provoquent finalement la mort du jeune homme en septembre 2003?: poursuivis par la justice, ils bénéficieront d’un non-lieu en 2006. Aller plus loin?? Le collectif (6) exige la tenue d’un débat public sur la question particulière du suicide assisté, et propose d’introduire une «?exception?» dans le code pénal lorsqu’une aide active à mourir est apportée suite à une demande clairement exprimée. Les membres de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD) (7) estiment, eux, que seul un droit au «?laisser mourir sans faire mourir?» a été instauré par la loi Leonetti. L’ADMD a ainsi élaboré un projet de proposition de loi visant à introduire dans le code de la santé publique le droit à une assistance médicalisée pour mourir. Ces associations fondent leur argumentaire sur les législations d’autres États européens. En avril 2001, les Pays-Bas furent ainsi le premier pays au monde à légaliser l’euthanasie (8). Les interventions médicales destinées à mettre fin à la vie sont dépénalisées sous ces conditions?: la demande du patient doit être «?volontaire, réfléchie et répétée?», et ne peut être prise en compte que s’il se trouve «?dans une situation médicale sans issue?». Le débat ne se pose donc pas en termes binaires – pour ou contre l’euthanasie?? Il invite surtout à une réflexion collective sur la fin de vie que nous souhaiterions pour nous ou nos proches, en cas de maladie incurable ou de long coma végétatif. NOTES (1) V. Guienne, Sauver, laisser mourir, faire mourir, Presses universitaires de Rennes, 2010. (2) A. Paillet, Sauver la vie, donner la mort. Une sociologie de l’éthique en réanimation néonatale, La Dispute, 2007. (3) Loi relative aux droits des malades et à la fin de vie du 22 avril 2005 dite loi Leonetti, sur www.legifrance.gouv.fr (4) N. Kentish-Barnes, Mourir à l’hôpital, Seuil, 2008. (5) J. Ricot, Éthique du soin ultime, Presses de l’EHESP, 2010. (6) Mouvement national pour une loi Vincent Humbert?: www.loi-vincent-humbert.com (7) Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) (8) Étude de législation comparée du Sénat français
Mots-clés EUTHANASIE / MORT
Langue Français

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