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Fonds documentaire : Article
Titre La consommation des ménages Alimentation et habillement en baisse, transports, communications, ?santé à la hausse?: les ménages consomment toujours davantage, ?mais surtout autrement. Une dynamique néanmoins mise à mal par la crise.
Source Sciences humaines
Auteurs CHARTOIRE R
Date de parution 01/10/2013
Commentaire Les Français consomment. Beaucoup. Un peu plus de 1?100 milliards d’euros par an. C’est beaucoup et, surtout, cette consommation est, sur le long terme, en augmentation. L’idée que nous devrions être, en la matière, nostalgique de «?l’âge d’or?» des trente glorieuses est erronée?: depuis les années 1970, la consommation par tête augmente en moyenne moins vite qu’auparavant, mais elle augmente. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les dépenses de consommation en volume, c’est-à-dire la quantité de biens et services réellement acquis indépendamment de l’évolution des prix, n’ont diminué que… deux fois?: en 1993 et en 2012.? D’où vient alors cette sensation d’appauvrissement ressentie par toute une partie de la population?? D’une part de l’augmentation des inégalités, qui fait que si la consommation augmente bel et bien en moyenne, elle n’augmente pas nécessairement pour tous. D’autre part de nouveaux besoins apparaissent sans cesse, repoussant toujours plus loin le seuil minimum de consommation en deçà duquel nous ne nous considérons plus comme pauvres. Qui aurait pu prédire, il y a seulement quelques années, que ne pas posséder de téléphone portable, d’écran 16/9e, ne pas disposer d’une connexion Internet haut débit ou d’un GPS sur son véhicule ou ne pas pouvoir télécharger Gangnam Style, deviendrait aussi rapidement insupportable pour la plupart d’entre nous?? ? Des formes diverses Nous consommons beaucoup… et même encore plus?; si nous dépensons 1?100 milliards d’euros par an, notre consommation s’élève en fait à plus de 1?500 milliards si l’on ajoute à nos dépenses les services que nous consommons sans les payer, car fournis de manière individualisable par les administrations publiques ou les associations. Cela représente quand même environ les trois quarts du PIB. Ainsi, une «?socialisation?» de la consommation est à l’œuvre, contrepartie du développement de l’État-providence?; s’il est de bon ton de mettre en avant le caractère élevé des prélèvements opérés par la puissance publique en France (impôts, cotisations sociales…), il ne faut pas oublier qu’ils ont une contrepartie?: l’accès (plus ou moins) gratuit aux services d’éducation, de santé, à certaines institutions culturelles, des aides au logement… Toutes prestations regroupées sous le nom de «?dépenses de consommation individuelle des administrations publi*ques?» qui sont bien une consommation de services, même si elle ne donne pas lieu à une dépense.? Plus généralement, nous consommons aussi des services non individualisa*bles – la sécurité engendrée par l’existence d’une police et d’une armée par exemple –, qui ne sont pas inclus dans notre consommation effective. Nous pouvons donc en déduire que les statistiques minorent la réalité du niveau de notre consommation, du fait de la difficulté à prendre en compte une partie des services que nous fournissent les administrations publiques, et aussi du travail domestique que nous réalisons et que nous ou notre famille consommons ensuite (production de repas, de ménage…). Selon l’Insee (1), en 2010, une personne de 11 ans et plus résidant en France consacre en moyenne entre 15 et 27 heures par semaine, en fonction du type d’activité retenu dans le cadre du travail domestique, à réaliser ces tâches. Au niveau global, cela donne donc entre 42 et 77 milliards d’heures de travail domestique, pour une valeur estimée à 33?% du PIB en moyenne.? Il est cependant à noter que sur le long terme, même si elles ne représentent qu’environ la moitié des dépenses totales des ménages, les dépenses de biens expliquent à elles seules près de 80?% de la variabilité des dépenses de consommation?; ainsi, si les biens représentent une part toujours plus faible des achats des Français, leur impact sur les variations économiques conjoncturelles demeure fort. ? Des besoins qui se transforment Nous consommons plus, certes. Mais surtout, nous consommons autrement. Notre «?panier moyen de consommation?» a même sacrément évolué depuis les trente glorieuses, actant l’évolution de nos priorités de consommation. Le statisticien Ernst Engel avait dès le XIXe siècle établi une loi (dite «?loi d’Engel?») selon laquelle lorsque le revenu augmente, la part de la consommation destinée à l’alimentation diminue. Non que l’on se nourrisse moins, bien au contraire?; simplement, l’accroissement de nos dépenses de consommation alimentaire se révèle toujours, selon cette loi, moins que proportionnel à la hausse de nos revenus. Or c’est exactement ce que l’on observe depuis les années 1960.? Mais ce n’est pas tout. Cette diminution du poids des achats de produits alimentaires n’est que l’un des aspects de la baisse plus générale de la part des achats de biens dans la consommation totale des ménages. Corrélativement, la part des services, elle, a augmenté, surtout en ce qui concerne les services immobiliers (augmentation de prix des loyers), le transport (augmentation des dépenses relatives à l’usage de transports urbains tels que métros, tramways, bus, chemin de fer…), et évidemment les dépenses relatives à l’information et à la communication (hausse des dépenses de télécommunication par exemple, liées entre autre au développement des multiabonnement à des services téléphoniques et/ou numériques).? D’une manière générale, les explications concernant l’évolution de nos comportements d’achats se trouvent dans la prise en compte de deux phéno*mènes complémentaires. D’une part, l’évolution de nos revenus a un impact sur nos choix de consommation, tout simplement parce qu’elle induit de nouveaux besoins.? Par exemple, la consommation de biens de luxe s’accroît avec le revenu. Les économistes appellent cela l’élasticité-revenu?; lorsqu’elle est supérieure à un, une hausse de 1?% de notre revenu entraîne une hausse de la consommation du bien supérieure à 1?%. Mais ce n’est pas tout?; nos choix de consommation dépendent aussi de l’évolution des prix relatifs. En effet, quand le prix d’un bien augmente plus rapidement que celui des autres, si la consommation de ce bien est en partie déterminée par son prix, il y a fort à parier que son poids dans la quantité totale consommée des ménages va diminuer. Une enquête réalisée par l’Insee (2) montre ainsi que pour les produits alimentaires, l’énergie et l’habillement, les élasticités au revenu et aux prix sont faibles, car ce sont des biens considérés par les ménages comme indispensables, qui peuvent donc être difficilement sacrifiés. Au contraire, pour les biens d’équipement, l’hébergement-restauration ou les services d’information et communication, les élasticités au revenu et aux prix sont fortes?: une évolution des revenus et/ou des prix relatifs va avoir un impact important sur leur quantité consommée par les ménages.? Enfin, il ne faut pas oublier l’impact du progrès technique sur nos besoins?; ainsi, l’augmentation de la part des dépenses de santé est-elle en grande partie liée non à l’évolution démographique comme on pourrait à tort le penser, mais avant tout à la diffusion dans l’ensemble de la population de nouvelles pratiques médicales qui ont justement pu se développer grâce aux gains de productivité générés par les innovations (3). ? Quel impact sur l’activité économique?? La dépense de consommation des Français représente 55?% du PIB. C’est donc l’un de principaux moteurs de la croissance. Et si la situation économique conjoncturelle a bien évidemment un impact sur notre consommation, notre propre consommation influe à son tour sur cette conjoncture.? Au niveau macroéconomique, c’est-à-dire de l’économie dans son ensemble, la croissance du PIB dépend, à court terme, de trois grandes variables?: la consommation, l’investissement, et le solde du commerce extérieur. Il se trouve que de ces trois variables, la consommation est la plus stable, car elle repose sur des besoins qui évoluent peu d’une année sur l’autre. Ainsi, même en situation conjoncturelle défavorable, les ménages préfèrent «?tirer sur leur bas de laine?», c’est-à-dire réduire leur épargne et/ou leur patrimoine, plutôt que de réduire leur consommation. Malgré tout, l’évolution de la consommation représente à elle seule, bon an mal an, environ un tiers de la volatilité trimestrielle du PIB. Clairement, comme le mettent en avant les économistes de la demande, toute réduction de la consommation se traduit inévitablement par une croissance plus faible, voire par une récession.? C’est la quadrature du cercle à laquelle les gouvernements sont actuellement confrontés, principalement en Europe. Face à des dettes publiques considérées comme insoutenables, la réduction des déficits publics a été érigée en priorité. Le problème, c’est qu’à court terme, cette politique s’est faite en augmentant les prélèvements obligatoires sur l’ensemble de la population et pas seulement sur les plus riches, et en réduisant un certain nombre de dépenses publiques, dont des dépenses sociales qui se transformaient ensuite automatiquement en consommation pour ceux qui en bénéficiaient. Résultat?: ces deux mesures se sont traduites par une baisse du revenu disponible des ménages ou par leur moindre croissance, ce qui, toutes choses égales par ailleurs, explique en partie la récession actuelle.? On entre alors dans un cercle vicieux?: si la croissance est moins forte, les recettes fiscales et sociales sont moins élevées que prévues, ce qui tend à accroître les déficits contrairement aux effets attendus. Et face à ça, comme l’actualité récente nous l’a encore montré avec les nouvelles mesures d’économies mises en œuvre pour le budget 2014, les mêmes solutions sont encore prônées, avec le succès que l’on sait…? C’est pourquoi, en particulier sous l’égide de l’Observatoire français de la conjoncture économique (OFCE), des voix de plus en plus nombreuses se lèvent pour réclamer un assouplissement des politiques publiques, seule manière à court terme de sortir de la crise. ? Crise?: quels effets?? Les données sont éloquentes?: si entre 2000 et 2007, la croissance trimestrielle de la consommation des ménages français s’élevait à +?0,5?%, ce qui la situait déjà très loin de celle des trente glorieuses, depuis début 2008, elle n’est plus que de 0,1?%, soit cinq fois moindre. Rien d’étonnant à cela?: quand la croissance est en berne, le chômage augmente et les salaires ont tendance à stagner, ce qui joue nécessairement sur les capacités de consommation. L’Insee a d’ailleurs annoncé une baisse du pouvoir d’achat de 0,9?% en 2012 (4).? La conséquence ne s’est pas fait attendre?: pour la première fois depuis 1993, la dépense de consommation des ménages français a diminué, en 2012, de 0,4?%.? Tous les postes ont été touchés, mais certains plus que d’autres. Les dépenses consacrées à l’énergie, aux produits textiles-cuirs, aux services de loisir (hôtels, cafés-restaurants, sorties culturelles et sportives) et aux «?autres services?» (transport, réparation de véhicules, construction, services personnels et domestiques, services opérationnels) ont même diminué depuis 2008.? Ce n’est pas étonnant?: les prix de l’énergie ont fortement augmenté, tandis qu’en période de crise, ce sont les dépenses «?superflues?», en particulier du côté des services, qui sont les premières concernées par les mesures d’économie des ménages – et ce malgré le succès des ventes du Gangnam Style.? Logiquement, selon l’Insee, plus de la moitié du ralentissement des dépenses de consommation provient de la baisse du pouvoir d’achat. De même, la montée du chômage a entraîné une perte de confiance dans l’avenir, qui s’est traduite par la constitution d’une «?épargne de précaution?» (sauf en 2012) peu propice à la consommation présente. ? Une consommation ?plus citoyenne La crise a bien un impact sur la consommation des Français. Elle les oblige à revoir leurs modalités d’achat pour ne pas trop perdre en pouvoir d’achat. Cependant, cette évolution peut aussi avoir d’autres origines, et le développement récent de nouvelles formes de consommation peut se trouver au confluent de ces différentes attentes et contraintes.? L’essor récent de la consommation collaborative en est le meilleur exemple. Ce concept, introduit par Ray Algar en 2007 (5), désigne au départ le regroupement de consommateurs potentiels d’un bien afin d’acheter en commun une grande quantité du produit en question, dans l’objectif d’obtenir des rabais permettant une baisse des prix payés par chacun, ou uniquement par les plus pauvres du groupe dans le cas de plate-forme collaborative à visée solidaire. Groupon est un exemple de ce type de consommation collaborative. Ici, aucune remise en cause du système global de consommation, mais simplement la création d’un nouveau rapport de force dans la négociation à l’avantage, cette fois-ci, des consommateurs.? Il existe aussi une seconde approche, bien plus en adéquation avec les exigences de ce que l’on appelle le développement durable, qui encourage une dissociation de l’usage et de la propriété. C’est dans cette logique que sont apparus quantité de sites de partage?: covoiturage, échange de domicile pour les vacances, troc, vente d’occasion…? Selon Raoul Botsman, on peut regrouper toutes ces nouvelles pratiques en trois grands ensembles. Le premier consiste à transformer un produit en service, en permettant à ceux qui ne le possèdent pas de pouvoir malgré tout l’utiliser temporairement (vélos en libre-service…). Un autre a pour nature de transférer la propriété d’un bien déjà usagé à un autre consommateur (via par exemple des sites de C to C, c’est-à-dire de vente de consommateurs à consommateurs de produits déjà usagés). Le troisième est centré sur le partage entre particuliers de ressources immatérielles, sans que cela donne nécessairement lieu à un échange marchand (par exemple via des systèmes d’échanges locaux).? Comme on peut le voir, ces nouvelles formes de consommation collaboratives permettent à la fois à des individus de pouvoir accéder à certains biens ou services même s’ils n’ont pas les moyens de le faire en passant par les circuits de distribution habituels, ce qui est un moyen de lutter contre la crise?; de sortir d’une certaine société de consommation marchande en mettant en avant l’impératif de réduction de notre utilisation des ressources naturelles, et en favorisant de nouvelles modalités de solidarité.? Évidemment, de telles formes de consommation restent encore marginales, même si en croissance forte. Elles montrent en tout cas qu’il est possible de penser un nouveau modèle de développement qui prenne en compte non seulement nos besoins de consommation qui sont réels, mais aussi de nouveaux enjeux sans lesquels, tout le monde le sait bien, le monde courrait à sa perte. Par exemple, en ne téléchargeant plus le Gangnam Style.
Mots-clés SOCIOLOGIE / CONSOMMATION / crise
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Langue Français

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