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Fonds documentaire : Article
Titre A quand un vrai débat sur la réglementation des drogues ?
Source Quotidien du médecin (Le)
Date de parution 18/07/2011
Commentaire Plutôt que sur la polémique politique à propos du défilé militaire du 14 juillet, on voudrait revenir aujourd'hui sur les questions de drogues qui semblent autrement plus fondamentales. Deux documents ont en effet été publiés ces dernières semaines, qui permettent (après beaucoup d'autres) de poser objectivement quelques constats "lourds" sans la prise en compte desquels il n'y a pas de discussion sérieuse sur ces questions. Une mesure de l'évolution des consommation L’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT) et l'Institut National de Prévention et d’Éducation pour la Santé (INPES) ont publié un document de synthèse sur Les niveaux d’usage des drogues en France en 2010. Il s'y confirme que le cannabis est le produit illicite le plus consommé en France. En 2010, parmi les adultes âgés de 18 à 64 ans, un tiers déclare en avoir déjà consommé au cours de leur vie, 8 % au cours des 12 derniers mois, 4 % au cours du dernier mois. Ces usages touchent particulièrement les jeunes générations. Il y a donc en France entre 13 et 14 millions de personnes qui ont déjà expérimenté le cannabis, presque 4 millions qui en ont consommé dans l'année écoulée, entre 1 et 1,5 millions qui en ont un usage régulier et au moins un demi-million qui en ont un usage quotidien. Il s'agit donc bien d'un phénomène social de grande ampleur, et non d'un amusement de quelques hippies attardés. Il ne s'agit pas non plus d'un simple défi d'adolescence. La consommation de cannabis concerne surtout les jeunes adultes, elle diminue ensuite avec l’âge. La proportion d’individus ayant expérimenté le cannabis est maximale entre 26 et 34 ans chez les hommes (64 %), et diminue ensuite pour atteindre 13 % entre 55 et 64 ans. Chez les femmes, la proportion d’expérimentatrices de cannabis se situe autour de 40 % entre 18 et 34 ans pour tomber à 7 % entre 55 et 64 ans. Enfin, à ceux qui en doutaient encore, on peut livrer ce constat incontournable : la prohibition officielle de l'usage du cannabis n'a nullement empêché son augmentation continue au fil des ans (voir le graphique ci-dessous). Il ne fait donc aucun doute que la prohibition est en réalité une politique de l'autruche : sa cacher derrière l'interdit pour ne pas voir la réalité qui s'en moque. Des propositions pour une véritable réglementation des consommations de drogues Loin des postures politiciennes qui empoisonnent le débat public, le Forum Français pour la Sécurité Urbaine (FFSU) vient par ailleurs de mettre en ligne une brochure très intéressante. D'abord par son approche global pragmatique et réaliste : « Qu’elles soient licites ou illicites, les substances psychoactives font partie de nos sociétés. Aussi, exiger une société sans drogues est illusoire. Les villes se trouvent, dès lors, confrontées à une quadruple problématique en matière de drogues : 1) économies transgressives ; 2) effets en terme de santé publique ; 3) impacts sur l’occupation de l’espace public ; 4) sentiment d’insécurité parmi la population ». Ensuite par sa volonté de dégager de « bonnes pratiques » pour travailler concrètement dans un objectif de réduction de ces risques à l'échelle locale. Ainsi, pendant trois ans, les villes de Marseille, Créteil, Lille, Aubervilliers, Lormont, Montpellier, Courcouronnes et Valenciennes ont mis en commun leurs diagnostics et leurs expériences, pour essayer d'apporter la réponse la plus appropriée et la plus efficace aux problèmes posés localement et quotidiennement par la drogue. Le constat de départ est que les problèmes ne se posent pas de la même façon selon les territoires. Il faut donc privilégier une réponse locale plutôt que l'application uniforme d'un dispositif national. Le résultat de l'expérience montre ensuite que, pour avoir une action durable de réduction des risques, il est notamment essentiel de bien informer (et non chercher à faire peur) les citoyens à commencer par les plus jeunes et leurs parents, de bien former les acteurs de première ligne, de faire travailler les institutions en véritable partenariat pour augmenter leur capacité à trouver des solutions aux situations de crise et pour bâtir des stratégies communes, de se donner les moyens d'un vrai travail d'insertion et d'accompagnement social des toxicomanes. Quant à la réponse pénale, les conclusions de ce forum rejoignent celles de tous les organismes européens et internationaux (rapports de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime, déclaration finale de la Conférence de Vienne, Déclaration de Prague, etc.). On peut les résumer en trois attendus fondamentaux : 1) il ne sert à rien (sinon à harceler les "minorités visibles" par des contrôles au faciès) de chercher à dissuader les consommateurs par des sanctions pénales, 2) il faut se doter de vrais moyens de prise en charge thérapeutique des toxicomanes, 3) la répression doit être orientée fondamentalement sur la lutte contre les trafics et les économies souterraines qu'ils génèrent à l'échelle nationale et internationale. Sortir du manichéisme, comprendre qu'il existe une troisième voie Nous sommes encore loin, très loin du compte en France où une certaine rhétorique politicienne manichéenne a enfermé la discussion (comme sur la sécurité de manière générale) dans une opposition entre rigueur et laxisme. Ce simplisme pollue notamment ce débat sur les drogues, faisant prendre à la société française des années de retard dans le traitement de certains problèmes sociaux. Entre pénalisation et dépénalisation, entre prohibition et laisser-faire, il existe en réalité une troisième voie : la réglementation. Prendre acte d'une réalité et se donner des règles pour la gérer dans l'intérêt public. Quelles règles ? C'est là qu'un débat politique digne de ce nom devrait commencer.
Mots-clés DROGUE / SANTE PUBLIQUE
Langue Français

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