Le corps humain n’est pas seulement un corps physique. Il y a une partie du corps qui se voit et l’autre qui se dérobe à l’exploration. Il y a le corps qui se voit et le corps qui se vit, le corps matériel et celui qui échappe. C’est parce que le corps humain est aussi impalpable, que la médecine demeure un art basé sur la relation humaine.
Si le corps résume d’abord la dimension physique de l’être humain, il est bien davantage. Il est, tout à la fois, ce que nous avons et ce que nous sommes : nous avons un corps et nous sommes ce corps ! Le corps est ce qui se voit dans l’espace mais aussi ce qui se vit dans le temps. Il se révèle à nous en deux circonstances principales.
Chacun sait que notre sensation de bien-être, nos dispositions morales, notre humeur du jour, sont tributaires de notre état de santé organique. L’état de notre corps retentit sur nos capacités psychiques, intellectuelles, morales, davantage d’ailleurs dans la douleur que dans le plaisir. On a même défini la santé comme le silence des organes. Manière de dire que c’est d’abord dans sa capacité à se faire oublier que le corps traduit son état de bonne santé. C’est donc bien la maladie qui, en brisant le fragile équilibre de la santé, nous fait “prendre conscience de notre corps”.
Mais ce n’est pas uniquement par la maladie que le corps se rappelle à notre bon souvenir. Le corps se rappelle aussi à nous comme une image renvoyée par le regard des autres. Il suffit d’un regard qui nous dévisage de la tête aux pieds pour que nous revienne en mémoire que le corps n’est pas seulement ce corps vécu du dedans, mais qu’il est aussi une image qui se dévoile au dehors, sous les yeux d’autrui.
Envisager le corps sous l’aspect de son image fait ressortir toute la dimension de l’imaginaire. Car nous savons bien qu’un regard n’a rien de spontané et que les yeux qui s’ouvrent sur un corps sont chargés de représentations culturelles. Ils véhiculent un certain imaginaire social de la beauté.
Je voudrais m’arrêter un instant sur les aspects problématiques du rapport que notre société entretient avec le corps avant de voir en quel sens l’hôpital met en jeu de nouvelles représentations du corps qui appellent un questionnement éthique.
