À la fin 2009 avaient été publiés dans l’American Journal of Infection Control (AJIC) les résultats d’une étude canadienne qui ne pouvaient guère étonner. Elle confirmait en effet le risque accru d’infections nosocomiales lié aux chambres multiples dans les hôpitaux. « Si vous êtes dans une chambre à deux, trois ou quatre lits, le risque de contracter une infection nosocomiale sévère augmente de 10 % à chaque nouveau voisin », commentait le responsable de l’étude, le Dr Dick Zoutman. Il semble cependant que les responsables de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) n’aient pas eu vent de cette étude, puisqu’ils projettent de faire prochainement payer la chambre individuelle. Si la direction a confirmé ce projet au quotidien Le Monde, elle précise toutefois « qu’il n’y aura pas de facturation si la chambre individuelle est prescrite pour raisons médicales ou s’il n’y a pas de lits disponibles en chambres partagées ».
Actée par une résolution adoptée par le conseil municipal de Paris en décembre 2009, cette mesure pourrait entrer en vigueur à la fin de l’année ou début 2011. Bien que le texte publié par le Bulletin officiel de la Mairie de Paris en janvier précise que le coût sera de 55 euros, l’AP-HP assure que le montant n’est pas encore fixé. Cette imprécision quant à la date de lancement et au coût de cette nouvelle tarification – déjà en vigueur dans de nombreux établissements de province – s’explique sans doute par le tollé qu’elle suscite déjà. Le Pr André Grimaldi, chef du service de diabétologie de la Pitié Salpêtrière a ainsi déjà tonné début octobre sur France Culture : « On était l’hôpital entreprise, maintenant on est l’hôpital hôtel », avant de remarquer : « Pour beaucoup de malades, la chambre individuelle n’est pas un luxe. Les patients ont aussi droit au respect de leur dignité et de leur intimité, pendant les visites médicales ou les visites de famille ». Le porte-parole du Mouvement de défense de l’hôpital public (MDPH) a promis que des rébellions se soulèveraient contre le dispositif et annonce qu’à La Pitié « nous entendons le saboter, par exemple en déclarant tous les malades comme étant infectieux et nécessitant d’office une chambre individuelle ».
Bientraitance
Cette affaire permet d’apprendre qu’au sein des établissements de l’AP-HP seul un tiers des lits sont proposés en chambre simple, avec de fortes différences selon la date de fondation des hôpitaux, l’HEGP comptant 90 % de chambres individuelles. Si la création d’espaces préservant l’intimité des patients semble un enjeu essentiel de la modernisation des hôpitaux, l’AP-HP ne paraît cependant pas prête à en payer le prix ! De même, alors que le ministre de la Santé et des Sports a assuré début octobre que 2011 se devait d’être “l’année des droits du patient” ce qui suppose l’amélioration de la bientraitance à l’hôpital, il semble que cette notion n’englobe pas le respect du droit de souffrir à l’abri des regards.
