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Fonds documentaire : Article
Titre Alzheimer en dix questions
Source Sciences humaines
Date de parution 01/03/2012
Commentaire Comment en vient-on à perdre la mémoire, ?les repères du quotidien?? La maladie d’Alzheimer ?a beau être de plus en plus fréquente, ?ses causes sont encore difficiles à établir, ?et sa prise en charge incertaine. Les premiers signes ?de la maladie 1 Perdre la mémoire (petits oublis du quotidien, oublier qu’on oublie, les souvenirs de jeunesse pouvant rester vifs).? 2 Répéter les questions malgré les réponses fournies (quelle heure est-il??).? 3 Ne pas ranger les choses au bon endroit. ? 4 Avoir du mal à se rappeler du nom d’un objet usuel.? 5 Perdre le sens de l’orientation dans le temps (quel jour est-on??).? 6 Avoir du mal à faire les gestes simples et habituels (comme mettre une clé dans une serrure).? 7 Perdre son intérêt pour des activités habituellement plaisantes (ne plus faire son tricot, ne plus lire son magazine préféré).? 8 Avoir des difficultés pour des tâches habituelles (rater un plat que l’on connaît par cœur).? 9 Avoir des sautes d’humeur (être gai puis triste sans raison, s’emporter, se replier sur soi).? 10 Oublier à quoi servent les objets usuels (une fourchette, un peigne). Quand on oublie qu’on oublie… Incapacité à gérer la vie quotidienne, pertes de mémoire qui vont parfois jusqu’à ne plus reconnaître ses pro*ches, disparition de la personnalité… La maladie d’Alzheimer est une forme de vieillissement pathologique, qui représente 60 à 70?% des cas de démence. Ce terme médical, qui ne veut pas dire folie, désigne un ensem*ble de signes où s’associe aux troubles de la mémoire au moins un déficit dans un autre secteur de l’intelligence, d’intensité suffisante pour restreindre les activités quotidiennes (maladie de Parkinson, sclérose en plaque…). Affectant les fonctions intellectuelles, la maladie d’Alzheimer provoque des troubles du comportement et modifie la vie affective et la personnalité du malade. Sont notamment en cause des lésions cérébrales situées dans des zones spécifiques du cerveau, impliquées dans les processus de mémorisation (notamment l’hippocampe). Alzheimer est donc bien une maladie neurologique, plus précisément une maladie neurodégénérative. C’est la mise en évidence de ces lésions qui valide le diagnostic. Lequel reste donc seulement probable jusqu’à la mort de la personne. De quoi prêter le flanc aux critiques du neurologue américain Peter Whitehouse qui voit dans cette maladie la construction d’un «?mythe?», sa définition étant fragile et les critères permettant de distinguer entre vieillissement cérébral «?normal?» et «?pathologique?» «?totalement arbitraires?» et «?inapplicables sur le plan clinique?». Une maladie? en progression?? On ne connaît pas exactement le nombre de personnes atteintes. D’après certaines estimations, faites à partir d’extrapolations de données sur les démences, 800?000 à 855?000 personnes seraient concernées en France. Mais seules 350?000 d’entre elles sont prises en charge par la Sécurité sociale au titre de la maladie d’Alzheimer et des autres démences.? Fait peu connu, la maladie peut commencer avant 40 ans. Une estimation de 2004 évaluait par ailleurs à 32?000 le nombre de personnes de moins de 65 ans présentant une démence. Que nous réserve l’avenir?? Selon les projections, en partant du principe que le nombre de nouveaux cas et la durée de la maladie restent stables, il y aura en France 1,73 million de personnes atteintes de démence en 2020…, et 2,15 millions en 2040-2050. En Europe, on estime que 10 millions de personnes seront affectées par la démence, et que chaque année surviendront 1,4 million de nouveaux cas.? Dans les pays du Sud, la maladie d’Alzheimer se développe de façon importante avec la progression de l’espérance de vie. Si l’on en croit le rapport mondial sur Alzheimer 2010, 28 des 36 millions de personnes atteintes de démence dans le monde entier ne sont pas diagnostiquées. En 2020, 45 millions de personnes pourraient être concernées, et près de 120 millions en 2050. Des chiffres qui donnent le tournis. Source?: World report Alzheimer, 2010 Peut-on la détecter ?précocement?? Grand débat que celui de la détection. Des biomarqueurs (paramètres biologiques qui prédisent de manière fiable la survenue ultérieure de la maladie) sont actuellement développés, notamment par le neurologue Bruno Dubois, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Lui et son équipe plaident pour revoir les critères diagnostiques de la maladie d'Alzheimer. Combinant tests mnésiques, imagerie et biomarqueurs, la méthode qu’ils développent depuis plusieurs années semble permettre de détecter la maladie d’Alzheimer à un stade précoce. C’est en 2007 que l’équipe a montré qu’un test de mémoire simple permet de l’identifier, avec 92?% de réussite, trois ans plus tôt qu’on le fait habituellement. Ce test, complété par d’autres examens, présente plusieurs intérêts selon le neurologue?: «?Soigner les patients plus tôt avec les traitements actuels, évaluer leur efficacité dès ce stade et tester les nouvelles molécules ou solutions thérapeutiques à venir, comme les vaccins par exemple.?» D’ores et déjà intéressants en recher*che, seront-ils efficaces et pertinents en pratique?? L’avenir le dira… Source?: World report Alzheimer, 2010. Quelles sont ses causes?? Là encore, un vif objet de controverses. La ou les causes de la maladie ne sont toujours pas connues… sauf dans moins de 1?% des cas où l’origine est manifestement héréditaire. Répétons-le?: Alzheimer n’est pas un vieillissement normal, mais pathologique. Autrement dit?: si l’âge est un facteur de risque (après 65 ans, la fréquence de la maladie double tous les cinq ans), il n’est pas la cause de la maladie d’Alzheimer. ? D’autres facteurs de risques sont connus?: ainsi les femmes sont-elles plus touchées que les hommes, surtout pour les formes précoces. Un éventuel rôle des traitements hormonaux substitutifs est discuté. Ensuite, les lésions vasculaires cérébrales, dont on peut réduire le risque en supprimant le tabac, en traitant l’hypertension artérielle, le diabète et l’hypercholestérolémie. Le rôle de l’alcool est complexe?: si un ou deux verres par jour semblent protecteurs, au-delà, le risque est établi. Un rôle de facteurs inflammatoires est envisagé.? De nombreuses polémiques sont survenues récemment. Ainsi, dans leur livre Menace sur nos neurones (Actes Sud, 2011), la biologiste Marie Grosman et le journaliste Roger Lenglet dénoncent le désintérêt pour cette question des causes de la maladie. Lequel désintérêt serait lié selon eux au fait que la maladie d’Alzheimer, comme d’autres maladies neurodégénératives, serait favorisée par la présence massive de substances neurotoxiques dans l’environnement…, nié en raison du lobbying des industriels auprès des pouvoirs publics. En cause, notamment, l’aluminium contenu dans l’eau du robinet. Une thèse qui ne fait pas l’unanimité. «?Si la toxicité cérébrale de l’aluminium à doses élevées est bien établie, son rôle n’est nullement démontré, en dépit de nombreux travaux, en ce qui concerne les niveaux courants d’exposition?», répond Jacques Selmés.? Autre controverse?: celle lancée par la une du magazine Science et Avenir en octobre dernier, «?Ces médicaments qui favorisent Alzheimer?». Elle se base sur une étude de Bernard Bégaud, pharmaco-épidémiologue à l’université de Bordeaux. Après douze ans de travail, cette étude, non encore publiée, suggère que la consommation chronique d’anxiolytiques et de somnifères pourrait augmenter le risque de développer la maladie d’Alzheimer, mais selon le chercheur, «?il n'existe aucun lien de causalité directe démontré?» à ce jour. ? Il invoque toutefois le principe de précaution pour rationaliser la consommation de ces médicaments qu'il juge abusive en France. «?En somme, sur le puzzle de 10?000 pièces que constitue Alzheimer, on en a placé 1?000, résume Jacques Selmès, et l’image à obtenir est inconnue.?» L’existence de ces multiples facteurs de risque, sans relation de causalité clairement identifiée, rend difficile la mise en place d’un plan de prévention. ? La Maladie d’Alzheimer. ?Accompagnez votre proche au quotidien? Jacques Selmès, John Libbey Eurotext, 2011. Existe-t-il ?des médicaments efficaces?? Peu. Après un avis plutôt favorable en 2007, la Haute Autorité de santé a rendu un jugement plutôt sévère en juillet 2011. Certains médicaments permettent de freiner la mort des neurones, mais l’effet est uniquement symptomatique, et seuls 40?% des malades en tirent un bénéfice, surtout au début de la maladie. La seconde famille de médicaments, la Mémantine, est plutôt réservée aux formes sévères de la maladie. Malgré leur efficacité biologique limitée, ces médicaments ont, selon de nombreux médecins, un rôle structurant dans la prise en charge. Autrement dit, ils constituent une solution pour les médecins face à des personnes souvent désemparées par l’annonce du diagnostic. Ce qui fait débat (entretien p. 57). Et pour le futur?? Récemment, les essais cliniques de quatre vaccins ont été interrompus en raison de leurs effets indésirables?: des encéphalites étaient survenues chez certains malades. De l’avis des chercheurs et des industriels, on n’aura pas de traitement définitif avant au moins dix ans. Le développement de solutions efficaces est rendu plus difficile par l’ignorance des causes de la maladie. Qui sont les aidants et quel est leur rôle ? Crucial, démontré par de nombreuses études et unanimement salué?! Notamment pour le maintien à domicile et la qualité de vie des malades. «?Je me suis couchée auprès de lui comme tous les soirs, il m’a dit?: “Madame, que faites-vous dans mon lit??”?», « il se lève la nuit, sort de la maison en pyjama, et disparaît?», «?le soir, ça devient infernal, elle ne sait plus où elle est, ne tient plus en place?». Ces quelques témoignages de proches de malades d’Alzheimer témoignent de la difficulté d’assurer ce rôle d’aidant. Mis en lumière par les associations, l’aidant est désormais reconnu par le gouvernement et peut bénéficier de formations gratuites. Qui sont ces aidants?? À 80?%, des proches?: conjoint, enfants ou petits-enfants. Ce cercle, qui s’élargit parfois aux amis ou aux voisins, est composé aux deux tiers de femmes. Les 20?% restants sont des professionnels, principalement aides ou infirmières à domicile. ?Les sociologues Franck Guichet et Antoine Hennion saluent, dans un numéro de la revue Gérontologie et société, le travail de ces aides à domicile qui considèrent la maladie d’Alzheimer «?de façon pragmatique, comme une réalité positive, et non seulement un déficit, à partir de laquelle se déploie une façon de vivre, provisoire et inédite – cela ne veut pas dire minorer ses contraintes, bien au contraire?». Une démarche particulière au sein de laquelle «?expérience accumulée?», «?improvisation?», «?proximité?», «?empathie?», «?attention aux signes envoyés?» ont toute leur place.? Le retour régulier de l’aide à domicile structure la vie du malade?; les échanges, l’humour, la complicité enrichissent son quotidien. Un «?arrimage aux heures et à d’autres personnes?» qui permet que «?le monde (soit) rendu à nouveau plus présent à soi?». Dans cette relation particulière prédomine la «?réinsertion d’Alzheimer dans le cadre plus large du vieillissement, alors qu’une vision exclusivement médicale de cette pathologie tend à la particulariser. Il s’agit moins de penser une maladie que la lente dégradation des rapports de chacun aux autres par l’âge.?» Un travail qui mériterait selon les auteurs une «?reconnaissance personnelle et sociale bien supérieure?». Qu'est-ce que la «gérontechnologie» ? Demain les malades d’Alzheimer seront-ils entourés de caméras, d’outils de géolocalisation, de robots «?intelligents?» censés leur rendre la vie plus facile et plus sûre?? Telle était l’une des questions soulevées par le colloque «?Maladie d’Alzheimer et nouvelles technologies?», organisé à la Cité des sciences à Paris en décembre dernier. La «?gérontechnologie?» regroupe des outils très divers pour améliorer la vie quotidienne des personnes en perte d’autonomie. Ces dernières années sont d’abord apparus des logiciels de stimulation cognitive via des tests ou des jeux sur ordinateur. «?À ce jour, aucun de ces dispositifs n’a prouvé d’efficacité pour améliorer les performances cognitives des malades d’Alzheimer?», souligne François Piette, qui préside la Société française de technologie pour l’autonomie et de gérontechnologie. Parmi les outils proposés?: des lampes s’allumant à la tombée du jour pour réduire les angoisses de fin de journée, des «?chemins lumineux?» balisant les trajets nocturnes, des systèmes de vidéovigilance donnant l’alerte en cas de chute ou d’immobilité inhabituelle, des bracelets donnant l’alerte lors du franchissement d’un périmètre autour du domicile. Aux États-Unis et au Japon, des laboratoires travaillent à la mise au point d’«?animaux artificiels?» ou de robots «?humanoïdes?», pour réduire l’angoisse et aider dans certaines tâches domestiques?! De quoi susciter enthousiasme et interrogations, en raison de leur coût souvent élevé, du recueil du consentement de personnes plus toujours en état de le donner, de la place restant à l’humain. Ainsi si un outil assurant les changes des patients incontinents urinaires et fécaux évite un moment de gêne mutuelle, le repas est un vrai moment de complicité et de partage. En somme, il s’agira de tirer le meilleur profit humain de cette offensive commerciale. Quelles politiques publiques ?face au coût social et économique de la maladie?? On dit souvent qu’Alzheimer fait deux victimes?: le malade et son entourage. Auxquelles on pourrait ajouter la société tout entière. Dans les années à venir, les coûts humains et financiers de la maladie vont encore s’alourdir. Le coût moyen d’une personne dépendante varie entre 5?000 et 30?000 euros, dont la moitié reste à la charge des familles. L’année de la grande cause nationale Alzheimer, 2007, a vu le lancement, à grand renfort de communication, du plan Alzheimer 2008-2012, troisième du nom après les plans 2001-2004 et 2004-2007. «?Centré sur la personne malade et sa famille?», il a pour objectif de «?fournir un effort sans précédent sur la recherche, de favoriser un diagnostic plus précoce et de mieux prendre en charge les malades et leurs aidants?». Doté de 1,6 milliard d’euros sur cinq ans, il est constitué de quarante-quatre mesures classées selon trois axes?: la santé («?améliorer la qualité de vie des malades et de leurs familles?»), la recherche («?mieux connaître la maladie?») et la solidarité («?se mobiliser pour un enjeu de société?»). Deux mesures phare?: aider les aidants par l’emploi d’une personne à domicile, aide ménagère ou infirmière, et créer des «?maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer?», sorte de guichets uniques départementaux. À l’échelle mondiale, le coût estimé des démences était de plus de 600 milliards de dollars en 2010, selon le rapport mondial sur l’Alzheimer. Une somme similaire au PIB de pays comme la Turquie ou l’Indonésie. Ces 600 milliards sont dépensés à 70?% en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord. Les ?psychothérapies ?peuvent-elles être utiles?? Les psychothérapies comportementales ont pour objectif d’apprendre à diminuer les généralisations et les réactions de catastrophes devant les échecs. Elles sont très adaptées car de durée brève, et orientées vers les problèmes de la vie courante. Les psychothérapies d’inspiration analytique doivent être adaptées en raison des troubles de mémoire et de la frustration liée aux déficits. Elles sont surtout utiles au début de la maladie. Au-delà, on compte une constellation d’autres disciplines?: kinésithérapie, ergothérapie, prise en charge des troubles du langage, etc., toutes contribuent à la prise en charge globale du malade. À LIRE • La Maladie d’Alzheimer. ?Accompagnez votre proche au quotidien ?Jacques Selmès, John Libbey Eurotext, 2011. ?• «?Vivre avec Alzheimer, ?vivre avec un “Alzheimer”?» ?Franck Guichet et Antoine Hennion, Gérontologie et Société, n° 128-129, 2009. ?• Menace sur nos neurones. ?Alzheimer, Parkinson… et ceux qui en profitent ?Marie Grosman et Roger Lenglet, Actes Sud, 2011. ?• Le Mythe de la maladie d’Alzheimer. Ce qu’on ne vous dit pas sur ce diagnostic tant redouté ?Peter J. Whitehouse et Daniel George, Solal, 2010. ?• «?World Report Alzheimer 2010?» ?www.plan-alzheimer.gouv.fr Maladie d'Alzheimer : financer les aidants ou financer les médicaments ? L'avis de Jacques Selmès (Ancien interne des hôpitaux de Paris et ancien président d’Europe Alzheimer.) S’ils ne freinent pas la maladie, et limitent les symptômes chez 40?% des patients, ces médicaments ont un rôle important. Si on les déremboursait, ce qui n’est pour l’heure pas le cas grâce à la prise en charge à 100?% dans le cadre de l’ALD, ce serait un très mauvais coup pour les malades. Rappelons que le premier médicament, la Tacrine, qui n’est plus utilisée, a été approuvée aux États-Unis sous la pression de l’opinion publique. Pour apprécier l’efficacité de ces médicaments, on ne doit pas prendre en compte que leur effet biologique, mais aussi leur capacité à rassurer les personnes et leurs proches. L’attitude des médecins a changé depuis l’apparition des médicaments, avant ils ne la dépistaient pas, faute de traitement à prescrire, c’est leur cadre habituel de fonctionnement. On peut le déplorer mais c’est ainsi.? ? L'avis de Philippe Masquelier (Médecin généraliste, membre du Formindep, collectif «?Pour une formation et une information médicales indépendantes de tout autre intérêt que celui de la santé des personnes?».)? Dans les essais, si les médicaments ont une efficacité globale de 40?%, le gain supplémentaire n’est que de 10?% par rapport au placebo, et ils n’ont guère de bénéfices cliniques. Si l’on vise un effet placebo, il vaudrait mieux donner des comprimés moins chers, sans effet sur le psychisme et sans effets secondaires. Les médecins doivent changer d’attitude. Avec 300 millions d’euros, on pourrait financer 10?000 postes d’aidants…, dont le rôle est démontré. Et cela permettrait d’alléger le fardeau pour l’entourage. Propos recueillis par Renaud Persiaux
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