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Fonds documentaire : Article
Titre L'explosion d'Alzheimer
Source Sciences humaines
Date de parution 12/2012
Commentaire La maladie d’Alzheimer est devenue récemment une préoccupation majeure des pouvoirs publics et de l’opinion. Pourtant, jusqu’aux années 1970, elle était surtout considérée comme une curiosité… Les anciens médecins, à l’instar d’Hippocrate, ne s’intéressaient que très peu aux troubles psychiques des vieillards. Ces derniers avaient pourtant bel et bien été repérés, Juvénal, au iie?siècle, déclarant par exemple?: «?Il y a des misères pires que celles du corps?: le vieillard perd l’esprit, oublie le nom de ses esclaves, ne reconnaît pas un ami qui soupait avec lui la veille, ni même ses enfants qu’il a élevés.?»? ? Le XIXe ?siècle?: approche psychiatrique? Les mots démence et dément étaient déjà utilisés au XVIIIe ?siècle dans le sens général de folie, avec une connotation médicolégale. C’est pourtant avec Philippe Pinel, en 1801, que la démence va prendre un sens plus médical en étant définie comme un «?oubli complet de tout état antérieur, abolition de la faculté d’apercevoir les objets par les impressions faites sur les sens, oblitération du jugement, activité continuelle sans but et sans dessein, et nul sentiment de son existence?». Son disciple Jean-Étienne Esquirol devait préciser, à partir de 1814, les particularités de cette maladie, qui regroupait alors l’ensemble des affaiblissements intellectuels de causes variées. La liste des causes admises en plus du progrès de l’âge a d’ailleurs de quoi laisser rêveur, depuis les désordres menstruels et la masturbation jusqu’à l’ambition trompée et aux chagrins domestiques. Toutefois, après avoir différencié plus clairement la démence de la manie (autrement dit les psychoses actuelles) et de l’idiotie (la déficience intellectuelle congénitale), J.?É. Esquirol semble avoir mieux pris conscience, entre?1814 et?1838, des particularités de la démence sénile par rapport aux autres formes de démence.? L’histoire de la démence sera ensuite celle de sa fragmentation?: on assiste en effet, dans la deuxième partie du XIXe ?siècle, à un éclatement du concept de «?la démence?» au profit de celui «?des démences?», certaines affections devant d’ailleurs disparaître ultérieurement de cette classification (voir encadré ci-dessous).? ? Fin XIXe-début XXe? siècle?: l’étude du cerveau? À la charnière entre le XIXe et le XXe? siècle, des chercheurs, parmi lesquels Alois Alzheimer, appliquèrent aux démences une approche neurohistopathologique (ou étude des cellules nerveuses) qui allait bouleverser profondément les conceptions. À la même époque, la description de démences pouvant survenir avant 65 ans (âge retenu comme le «?début officiel?» de la sénilité?!) ébranlait l’idée de la démence liée à l’âge. Arnold Pick décrivait à partir de 1892 des lésions focales frontales et temporales, pouvant survenir avant 65 ans et associées à des troubles de la parole ou du comportement. Cette affection, nommée maladie de Pick en 1925, sera intégrée à la fin du XXe? siècle dans le cadre plus large des démences frontotemporales. A. Alzheimer rapporte en 1906 le cas d’une femme de 51 ans qui, en dépit de son âge «?présénile?», présentait toutes les particularités cliniques d’une démence sénile?: elle fut à l’origine de la démence présénile d’Alzheimer, ainsi dénommée en 1910. Alors que la classification des démences s’appuyait, à la fin du XIXe ?siècle, sur des aspects cliniques et notamment chronologiques (démence aiguë, précoce, sénile, présénile…) c’est l’approche neuroanatomique et histologique qui prévaudra désormais, avec des dénominations telles que démences corticales, sous-corticales, frontotemporales, à corps de Lewy, etc., terminologies qui restent à la base des classifications actuelles.? ? Comment Alzheimer s’impose au public? Alors que les «?déments séniles?», ou les «?grands-pères gâteux?» n’entraînaient jadis qu’un émoi fort relatif, plusieurs éléments pourraient expliquer la «?poussée historique?» de la maladie d’Alzheimer, aussi bien dans les statistiques que dans les mentalités?:? • La prééminence de l’approche neuropathologique et l’impact médiatique de la maladie de célébrités (comme l’actrice Rita Hayworth) conduisirent les spécialistes nord-américains à regrouper, en 1976, la plupart des démences dégénératives, séniles ou préséniles sous le terme générique de «?maladies de type Alzheimer?». Avec un tel tour de passe-passe, on assista, du jour au lendemain, à une augmentation spectaculaire des Alzheimer?! À tel point que certains auteurs s’interrogèrent sur la véritable origine de l’opération?: «?Des considérations promotionnelles n’étaient peut-être pas étrangères à cette évolution… car de gros doutes subsistaient, surtout sur la similitude des états cliniques (1).?» ? • Les interrogations légitimes du grand public?: si l’on nous annonce une détérioration des facultés mentales d’autant plus fréquente que nous serons plus vieux, que va-t-on devenir??? • Le hasard a voulu enfin que le nom d’Alzheimer s’adapte fort bien à la situation?: sa consonance plutôt rude, associée à sa difficulté orthographique (un peu comme Frankenstein ou Jekyll?!), n’a fait qu’ajouter au côté inquiétant, mystérieux et glauque de la chose.? C’est dans ce contexte de prise de conscience médicale, sociale… et politique que furent conceptualisées vers les années 1970 de nouvelles pratiques de concertation entre les psychiatres et les gériatres, approche qui a fini par s’imposer dans les filières de soins avec des noms variables?: psychiatrie du sujet âgé, gérontopsychiatrie, psychogériatrie, etc. C’est ainsi que nous assistons depuis une trentaine d’années à une évolution des prises en charge. (1) Jacques Plas, «?Classification des démences?», Confrontations psychiatriques, n° 33, 1991.
Mots-clés DEMENCE / PERSONNE AGEE / HISTOIRE
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Langue Français

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