Bonjour,

Recherche rapide

Menu recherche

Bienvenue sur Alexandrie !
Fonds documentaire : Article
Titre La culture du mobile : mon portable, c’est moi !
Source Sciences humaines
Auteurs Journet N
Date de parution 01/09/2007
Commentaire En dix ans, le téléphone est entré dans toutes les poches. Tous les observateurs s’accordent à dire qu’il a changé notre vie. Oui, mais dans quel sens ? Le portable, le mobile, le cellulaire ou, comme disent les Italiens, le telefonino, c’est d’abord une incroyable histoire de succès. Précédé par plusieurs générations de téléphones de voiture et de « bippeurs », le mobile tel que nous le connaissons aujourd’hui est né au début des années 1990 par adoption des technologies numériques. Relativement lente au début (on le croyait réservé à « ceux qui en ont vraiment besoin »), sa diffusion a progressé en France dès 1994 (+?88 % de 1994 à 1997), avant d’exploser littéralement entre ?1998 et? 2000 (+?164 %). Il suffit de se pencher sur les campagnes publicitaires et les tarifs pour comprendre que le portable fut d’abord vendu aux professionnels et aux manageurs, puis aux cadres, puis à leurs enfants et, enfin, à tout le monde ou presque. Derniers mohicans à faire de la résistance : les personnes de plus 60 ans sont, en 2006, le dernier marché encore insaturé, mais il le sera bientôt aussi (+?60 % de croissance en 2005). Entre-temps, le mobile s’est converti en une sorte d’ouvre-boîtes universel : messagerie, télécommande, accès Internet, jeux, caméra, musique sont couramment disponibles, et fréquemment utilisés par les jeunes et les gens qui s’ennuient. Au bilan, en 2007, on compte 2,4? milliards d’utilisateurs du réseau GSM dans le monde. En France, 82 % de la population est équipée, soit 52? millions d’usagers, outre-mer compris, dont 14,5? millions ont accès à Internet. Entre 18 et 24 ans, 95 % des habitants ont au moins un portable. Le 1er? janvier 2007, 170 ?millions de SMS et MMS ont été échangés en France. Voilà pour le succès du mobile, si spontané qu’il se passe presque d’explication. Dans la foulée d’Internet et des nouveaux moyens de communiquer, la prédiction du « village global » semble enfin s’accomplir. La vision heureuse du portable, c’est qu’il nous est entièrement dévoué : il nous rassure, abolit la solitude, nous libère des contraintes de lieu et de temps, nous aide à agir et nous distrait à l’occasion. Pourtant, souvenez-vous, il y a dix ans on disait encore : « L’infirmière, le médecin, le plombier, normal. Mais moi, je n’en ai pas besoin. » Et les yuppies qui téléphonaient sur le parvis de la Bourse passaient pour des frimeurs. Dès le début, la presse imagina les conséquences négatives de l’usage du portable : craintes de toutes sortes, de l’asservissement, de la surveillance généralisée, de l’intrusion systématique, des soupçons et des mensonges. « Le portable, écrit le sociologue australien Gerard Goggin, était considéré comme le symbole, sinon la cause, d’un bouleversement des limites entre le travail et les loisirs, entre le public et le privé. Pour les uns, c’était de l’huile dans les rouages du travail. Pour d’autres, c’était le révélateur d’un accroissement de la charge de labeur et de l’envahissement du foyer ?(1). » Le portable, c’était « Big Brother is watching you ». Aujourd’hui que sociologues, psychologues et philosophes disposent d’une expérience en grandeur réelle, le portable est devenu un sujet d’observation très intéressant, et les études commencent à abonder. Certaines se penchent sur les usages du portable, d’autres sur ses conséquences. Les mots qu’elles emploient en disent long : le téléphone mobile sert-il à « accélérer le temps » ou à le « distordre » ? L’usager qui ouvre son téléphone plus d’une fois par heure est-il un « utilisateur avancé » ou bien une victime de la « téléphonite » ? Le petit accessoire sert-il à « mener plusieurs vies » ou à « mentir à son conjoint ou à son patron » ? Bref, la question de savoir si, derrière son indéniable attrait, le portable ne cache pas une montagne d’effets pervers reste toujours posée. Le pour et le contre La popularité du mobile permet aujourd’hui de mesurer statistiquement ses effets. Pouvoir appeler tout le temps, c’est parfait : selon l’enquête AFOM/TNS? (2) de 2006, 92 % des usagers jugent cela « pratique », et 75 % associent le mobile avec la liberté et l’indépendance. Mais être appelé partout peut être pesant : 62 % l’associent aux mots « intrusion » et « surveillance ». Pour ce qui est des effets collectifs, ils montrent une ambivalence certaine : plus de 80 % des gens équipés jugent que le mobile est une « bonne chose » pour la société. Mais un tiers seulement considère qu’il améliore les relations humaines et 8 % à peine qu’il apporte des bénéfices économiques. La tendance est à la baisse dans l’opinion : le nombre de ceux qui jugent que le mobile est « une mauvaise chose pour la société » a doublé de 2005 à 2006 (de 8 % à 16 %). La perception des effets pervers (asservissement) est en hausse (+?3 %) et celle des abus (on téléphone pour rien) également (+?5 %). Mais, paradoxalement, les gens tirent un bilan de plus en plus positif de leur expérience personnelle. Un peu donc comme si l’on disait : le téléphone c’est dangereux pour les autres, mais pour moi ça va. En 2003, le sociologue Francis Jauréguiberry? (3) développait le thème de l’asymétrie entre l’appelant (qui attend une réponse) et l’appelé (qui est censé répondre). Il imagine que la pression de l’appelant, simplement psychologique dans les relations conjugales par exemple, pourrait prendre des formes plus concrètes : des opérateurs offrant des forfaits bon marché aux « pauvres » qui accepteraient les messages commerciaux. Mais c’est au travail que les inquiétudes les plus grandes existent. En mode professionnel, explique-t-il, l’asymétrie peut-être franchement contraignante : il y a ceux qui ont le pouvoir de se déconnecter, et ceux qui ne l’ont pas, les premiers étant hiérarchiquement les supérieurs des seconds. Il existe d’ailleurs, depuis 2003, des services professionnels de géolocalisation des correspondants. F.?Jauréguiberry souligne le sort des employés nomades dont le planning est désormais distillé au téléphone par un back-office : l’efficacité implique une perte d’autonomie comparable, écrit-il, à un retour du « taylorisme à distance ». Qu’en est-il en 2006 ? En France, seuls 9 % des abonnés sont équipés d’un mobile professionnel, et l’on ne dispose pas d’enquêtes spécifiques. Globalement, 7 % des gens déclarent que le mobile (en général) a eu un effet négatif sur leur travail. Mais rien ne dit pour quelle(s) raison(s), ni s’il s’agit des possesseurs de téléphones professionnels. L’enquête de Corinne Martin?(4) cite quelques témoignages et, là encore, l’ambivalence règne : travailler avec un mobile exige une disponibilité de tous les instants, mais permet aussi une utilisation optimale des temps de trajet ou d’inaction forcée. Certains y trouvent leur avantage, et rappellent qu’en dehors du travail, il est facile de se déconnecter. Un autre effet douteux longtemps attribué au portable fut celui de se donner l’air chic et intéressant. Ce soupçon d’exhibitionnisme a même eu sa légende, répandue dans les années 1990 : un homme entre dans un wagon de train, le portable à l’oreille, et parle à haute voix d’affaires sérieuses quand, tout à coup, l’appareil sonne. C’est le mythe du simulateur. Umberto Eco, en 1997, faisait la satire du téléphoneur en public, et le décrivait comme une sorte de bluffeur feignant d’avoir une mission en ce monde. Puis il tentait de le tourner en ridicule en rappelant que le vrai privilège de l’homme important est de ne pas répondre au téléphone : le frimeur, lui, n’est qu’un « sous-fifre contraint de se mettre au garde-à-vous au moindre appel?(5) ». Homo portabilis Mais c’était il y a dix ans : aujourd’hui, tout le monde a un mobile. Quel que soit le modèle, il n’impressionne plus grand monde, et il faut vraiment gesticuler beaucoup avec une oreillette et un micro pour se faire remarquer. À lui seul, le mobile n’est plus un objet de classement social. Chez les jeunes, le comportement le plus sanctionné, écrivent André H.?Caron et Letizia Caronia?(6), c’est de vouloir « paraître branché ». La recherche de distinction a donc pris des formes plus subtiles. Le téléphone portable n’est plus un emblème de classe, mais un accessoire de mode. Plus encore que beaucoup d’autres accessoires, c’est un prolongement du corps humain (les Allemands l’appellent « Handy »), et donc personnalisable : façades amovibles, breloques porte-bonheur (très à la mode chez les jeunes et au Japon), et surtout logos et sonneries téléchargeables endossent cette tâche. Ces produits décoratifs contribuent à rendre chaque appareil unique. Les sonneries surtout, qui existent à des dizaines de milliers d’exemplaires, sont constamment renouvelées et flirtent avec le monde de la musique. Au Japon, il existe un « top 40 » des sonneries, et certains artistes écrivent des mélodies pour cet usage. En 2005, un morceau « pour téléphone » intitulé Crazy Frog est arrivé second des meilleures ventes de disques single en France. Enfin, le marché de la sonnerie représentait 3,5? milliards de dollars en 2003, certainement plus aujourd’hui?(7). Angoisses spatiales Ces passions personnelles ont amené certains philosophes à des considérations plus profondes. Si le mobile tend à devenir un alter ego, sa présence dans la poche et son usage doivent être repensés. – « C’est toi mon amour ? – Non, je suis son mari… » Ce petit dialogue virtuel suffit à Maurizio Ferraris?(8) pour situer le problème. Si le portable et la personne se confondent à ce point, alors les propriétés de l’un deviennent celles de l’autre. Quelles sont-elles ? Selon le philosophe, ce sont d’abord l’ubiquité (on peut être partout à la fois) et l’individualité (il n’y a qu’une personne qui répond). Donc, le téléphone est une personne, et cette personne n’est nulle part. M.?Ferraris n’est pas le seul à épiloguer sur cette évanescence du nomade : d’autres interrogent abondamment le bouleversement des règles de la présence qu’entraîne le petit appareil portable. Placées sous le signe de « la communication ubiquitaire », les études réunies par le philosophe autrichien Kristof Nyiri?(9) en donnent de bons exemples : « Votre mobile est-il dans votre esprit ? », demande John Preston. La réponse est que si vous admettez qu’il existe une « pensée collective », alors c’est oui. Suzanna Kondor caractérise le portable comme l’accomplissement d’un besoin interne à l’être humain. K.?Nyiri définit le mobile comme un « concentré de savoirs collectifs ». Richard Coyne et Martin Parker expliquent qu’une voix en principe ne peut « venir de nulle part » : ce qu’il y a fascinant dans le mobile, c’est d’y entendre des voix venues de nulle part. Bref, il y a du trouble dans le sens ordinaire de l’espace et des corps qui s’y trouvent. Le symptôme est bipolaire : d’une part, le mobile autorise la présence immatérielle de l’absent, d’autre part, il autorise la personne présente à être ailleurs. Présence permanente et absence du présent sont les deux faces d’un même trouble. Y a-t-il là-dedans de quoi nous inquiéter ? Pas tant que cela : aucun de ces philosophes n’annonce de catastrophe ontologique pour l’Homo portabilis. On peut même s’interroger sur la réalité des effets induits. Un appelé ordinaire n’est pas plongé dans un monde où règne la téléportation : il est éventuellement dérangé, embarrassé, ne sachant pas très bien quelle règle de comportement appliquer. Ce sont plus des questions relationnelles que de métaphysique qui sont soulevées : dois-je couper mon portable ou sortir ? Dois-je absolument répondre ? Pourquoi suis-je embarrassé ? Quant à l’angoisse spatiale, le fameux « t’es où ? » qui intrigue tant les observateurs ne concerne en fait que les intimes, dont on sait que le mobile sert aussi à exercer une surveillance sur leurs proches. Chercher à savoir où ils sont, c’est vouloir savoir ce qu’ils font, ou bien quand ils seront là. En affaires, personne ne commence par un « où êtes-vous ? » Le fait que « t’es où ? » ait remplacé « allô », et que l’on puisse répondre « dans ton dos » est effectivement troublant, mais finalement pas plus que ces bricolages en pots de yaourt avec lesquels les enfants se parlent à vue. Enfin, quant au fait que certaines personnes ont pris l’habitude de « sous-titrer » leur vie (« là, je prends un chariot et j’entre au supermarché », etc.), il ne faut pas y voir plus qu’un affectueux bavardage. Tous ces petits jeux, comme le rappelle G.?Goggin, ont d’ailleurs une fin : il est probable que les prochaines générations de portables intégreront couramment un des systèmes de géolocalisation déjà existants pour les appels d’urgence, les enfants et les employés nomades. Les opérateurs considèrent même que c’est la base de nouveaux services automatiques locaux (météo, guides de tourisme, informations etc.) qui se développeront bientôt. Ainsi, avec l’affichage d’un « bonjour de Plougastel », l’imaginaire cyberspatial libre et virtuel prophétisé dans les années 1990 sera un peu plus ruiné, et « Big Brother will watch you » d’une nouvelle manière. Téléphonite aiguë Un autre aspect du trouble semble plus consistant : c’est celui de l’addiction. Pour certaines personnes, note la sociologue Jane Vincent, le processus d’incorporation du mobile est si avancé qu’elles éprouvent une peur panique de la panne de batterie. D’autres renoncent à leur promenade si elles ne l’ont pas sur elles. D’autres, enfin, même si elles s’en plaignent, sont totalement incapables d’éteindre leur appareil. L’enquête AFOM/TNS montre que plus ils ont d’années d’expérience, moins les utilisateurs se déconnectent. Et c’est peut-être l’une des pathologies les plus courantes : une enquête réalisée en 2003 montrait que neuf Français sur dix restent parfaitement joignables en vacances. Le cas a intrigué le psychanalyste Serge Tisseron?(10), qui en vient à qualifier le mobile d’« objet transitionnel ». Chez Donald Winnicott, l’objet transitionnel est celui dont se sert l’enfant pour se protéger du monde, mais aussi se développer : c’est le « doudou » inséparable. Selon un autre psychanalyste, Miguel Benasayag?(11), le portable a des fonctions anxiolytiques, hypnotiques et euphorisantes. Sous prétexte de communication lointaine, il sert de protection contre le présent immédiat : tout le monde a vécu cette scène bizarre où quatre inconnus assis à quelques centimètres l’un de l’autre s’affairent avec leur téléphone (sous-entendu : parce qu’ils n’arrivent même pas à se regarder). Donc, pour M.?Benasayag, le portable est un symptôme du malaise communicationnel de l’homme moderne. Nous téléphonons parce que nous sommes seuls, et nous sommes seuls parce que nous avons peur des autres. Tout cela est sans doute un peu vrai, mais est-ce plus grave qu’au temps où monsieur lisait le journal et madame tricotait derrière sa voilette ? Le portable, il est vrai, a un gros défaut : en public, il est intempestif, il nous fait ressentir la parole intime d’autrui comme une intrusion, c’est presque un ennemi. On a besoin du sien, mais on déteste celui du voisin. Il incarne la promiscuité que des siècles de courtoisie avaient réussi à policer. On aurait beau rassembler dans un livre toutes les craintes soulevées par le téléphone mobile, il ne faudrait pourtant pas oublier que si son pouvoir sur nous est devenu tyrannique, c’est avec notre aide. Effet pervers et sujétion librement consentie vont souvent de pair. Et s’il en est ainsi, c’est que des avantages existent par ailleurs : la liberté de communiquer peut, parfois, conférer de la force. Le bruit court ainsi que le mouvement populaire qui, en mars? 2004, provoqua l’échec du Parti populaire espagnol fut largement coordonné par mobiles, de même que celui qui, en 2001, entraîna la chute du président Joseph Estrada aux Philippines. Mais ce n’est peut-être qu’une légende de plus sur le téléphone mobile. Parlez-vous cellulaire ? La progression exponentielle de l’équipement des jeunes, entre 1998 et 2000, ne s’est pas faite forcément à leur demande. Comme le rappelle Corinne Martin ?(1), le principal usage familial du mobile avait pour motif les appels d’urgence. Dans bien des cas, le second appareil acquis dans les familles était destiné à l’aîné des enfants parvenant à l’adolescence : les jeunes eurent d’autant moins de peine à s’équiper que leurs parents y voyaient une mesure de sécurité rassurante. Mais qui dit sécurité dit aussi contrôle : c’est pourquoi à la question « le mobile est-il un instrument de surveillance ? », 60 % des jeunes de 12 à 24 ans répondaient oui (en 2006). En même temps, ils étaient encore plus nombreux à reconnaître que le mobile leur avait apporté la liberté. Une liberté que 27 % des adultes (ce n’est pas énorme, mais tout de même) jugeaient d’ailleurs excessive, tandis que 19 % se plaignaient de ce que le portable avait rendu leurs enfants « moins disponibles ». Comment est-ce possible ? Une fois équipés par leurs parents, les jeunes ont découvert qu’ils pouvaient se parler entre eux : les appels d’urgence, la sécurité laissèrent bientôt la place à des conversations de pure sociabilité. Après une période de tensions budgétaires, les opérateurs ayant inventé le « forfait bloqué », le régime normal de l’adolescent est d’être pris entre le vertige et la pénurie. Le vertige, c’est la liberté d’avoir des conversations privées avec qui l’on veut, à l’heure que l’on veut, la pénurie ce sont les minutes d’appel. Le développement d’un bavardage continu et à distance entre copains et copines, que signalent toutes les enquêtes, ne fait pas qu’irriter les parents. Il fait des adolescents, d’une part, les utilisateurs les plus compétents du téléphone portable, et, d’autre part, les inventeurs d’une « culture mobile » originale. Le SMS en est le meilleur exemple : lancé sans grande conviction par les opérateurs en 1999, le SMS, successeur du « tatou », passait pour archaïque. En Europe, son succès phénoménal (1,5? milliard de messages dès l’année 2000) est largement dû aux jeunes qui, pour 98 % d’entre eux, l’utilisent quotidiennement. Ils ne sont pas les seuls, mais en tirent un parti que les générations qui les précèdent considèrent avec étonnement, sinon horreur. Lors d’une enquête en Italie, André Caron et Letizia Caronia? (2) sollicitèrent la permission de lire les SMS conservés par une jeune fille dans son portable pendant un mois. Elle accepta, mais leur proposa aussitôt un petit dictionnaire de sa main. En effet, les deux sociologues étaient incapables de lire ses textos, rédigés en « langue secrète » des SMS. L’écriture abrégée est d’abord une réponse à la pénurie de minutes et de signes (160 maximum au début, 400 aujourd’hui). Mais en se complétant, la langue SMS est devenue un code de reconnaissance mutuelle et un écran (fragile) contre les adultes indiscrets. Malin, en somme. Mais les craintes pleuvent. Gerard Goggin? (3) consacre un chapitre entier aux « paniques » du portable. Il cite des pédagogues convaincus que l’usage intensif des mobiles mènera les générations à venir à l’analphabétisme : « Beaucoup d’entre eux (les jeunes) n’écrivent plus qu’un charabia abrégé, ils ne connaissent plus l’anglais standard », écrit un critique écossais. Cette menace sur la culture est communément ressentie par les adultes, mais rien ne prouve qu’elle soit sérieuse. Le philosophe Maurizio Ferraris? (4) rappelle qu’écrire en abrégé n’est pas une catastrophe : il y a longtemps que l’on imprime RSVP au bas des invitations sans nuire à la langue courante. En fait, selon G.?Goggin, le mobile est un puissant facteur d’autonomie pour les jeunes, et, comme tous les espaces de liberté, il fait planer la menace de déviances possibles. Chacune des fonctions du mobile a la sienne : jouer des heures sur son portable détournerait de la lecture et des études, la combinaison photo + Internet augmenterait les menaces pédophiles, quant aux MMS, ils auraient inspiré l’art du « happy slapping », un jeu plutôt brutal consistant à gifler une personne quelconque dans la rue et à filmer sa réaction. La jeunesse est facilement un objet d’inquiétudes morales
Mots-clés TELEPHONE / SOCIOLOGIE / CULTURE
Langue Français

Connexion

Identifiant
Mot de passe
A la semaine prochaine !