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Fonds documentaire : Article
Titre Les conditions d’émergence d’une discipline infirmière scientifique et professionnelle
Source Soins psychiatrie
Auteurs JOVIC L
Date de parution 01/03/2006
Commentaire Les infirmières occupent, depuis quelques années, une place grandissante dans les études et/ou discours sur les conditions et les perspectives de développement du système de santé français. Au centre de ces considérations, largement inspirées de pratiques nord-américaines ou européennes novatrices dans le domaine, il est question de la place, présente ou à venir, qui leur est reconnue par la société. Cette reconnaissance se fonde sur leur utilité sociale mais également sur des compétences dans des domaines spécifiques, non investis par d’autres professionnels de la santé. Parmi les professions paramédicales réglementées en France, celle d’infirmière se caractérise par deux dimensions d’exercice : l’une en collaboration avec la profession médicale, et l’autre qui relève de son initiative propre. Cependant, si cette distinction s’appuie sur le champ réglementaire et est utilisée pour des besoins d’exposition, elle n’est qu’une quand il s’agit de penser les soins infirmiers en tant que champ de connaissances et de pratiques. Des conditions historiques de phénomènes congruents, à la fois d’ordre professionnel et environnemental — les programmes de formation successifs, les conceptions du soin et de la maladie, les travaux sur les concepts, l’évolution des pratiques et des connaissances mobilisées, la demande des usagers et de leur entourage, les collaborations et coopérations avec les autres professionnels, notamment les médecins –, permettent de poser la question de l’émergence de la discipline des soins infirmiers. Il convient donc de clarifier les notions de science et de discipline, d’une part, et de préciser les conditions de leur émergence, d’autre part. Plan de l'articleLa science et la disciplineLes quatre normes de la scienceSoins infirmiers et discipline professionnelleLes conditions d’émergence et de construction d’une discipline scientifiqueConclusion La science et la discipline Parmi les différents éléments constitutifs de la notion de science, il est possible de dégager quelques idées-forces : le passage du concret à l’abstrait ; une prise de distance avec les catégories immédiates, généralement asservies aux intérêts pratiques ; la nécessaire distinction de la vie courante, de ses préoccupations instantanées, de ses passions ; la création d’une école de pensée qui traduit la rupture avec l’opinion. Il s’agit également de replacer (ou placer) les connaissances au niveau où elles se situent. Par exemple, la mise en commun de connaissances pour définir les bonnes pratiques sur la base d’un consensus ne doit pas être confondue avec les connaissances issues de la recherche qui présentent un haut niveau de preuve. Admettre la complémentarité des activités théoriques et pratiques est indispensable pour aborder la complexité des connaissances en soins infirmiers. Enfin, la construction d’une science infirmière paraît tributaire du développement de la profession infirmière. Autrement dit, une science repose sur un savoir, des méthodes, mais aussi sur des activités et des stratégies d’un groupe professionnel pour élaborer et consolider ces savoirs et méthodes. L’homme cherche en permanence à en savoir davantage sur lui-même et sur le monde qui l’entoure. Étant rationnel, il essaye d’organiser ses connaissances et notamment de les articuler avec celles qu’il possède déjà. C’est à partir de là qu’il développe des corps de connaissances, ainsi que des méthodes spécifiques aux domaines d’investigation. Regroupées, ces connaissances et méthodes deviennent une discipline ou une science. Au fur et à mesure que les découvertes s’étendent, de nouvelles disciplines voient le jour et l’homme essaie de les adapter à l’organisation systématique de ses connaissances. Plan de l'articleLa science et la disciplineLes quatre normes de la scienceSoins infirmiers et discipline professionnelleLes conditions d’émergence et de construction d’une discipline scientifiqueConclusion Les quatre normes de la science Plusieurs auteurs s’accordent pour identifier quatre normes de la science rapportées par Olivier Martin1. L’universalisme permet d’assurer que les connaissances issues de l’activité scientifique sont universelles, objectives. Pour cela, les critères d’évaluation des travaux scientifiques doivent être intersubjectifs, connus de tous, et ne pas dépendre des circonstances ou des personnes. Concrètement, le respect de cette norme se traduit dans le fait que les projets de recherche sont évalués anonymement. Le communalisme (ou communisme) assure que tous les produits de la recherche scientifique (les découvertes, les résultats d’expériences) sont des biens collectifs : la science est le résultat d’une collaboration, d’un effort coopératif et constitue un patrimoine public. Il s’agit là d’une forme de solidarité de la communauté scientifique. Les travaux étant publiés, ils deviennent un bien commun dont chacun peut s’inspirer, soit pour réaliser d’autres investigations, soit pour les utiliser dans la pratique. Le désintéressement assure que le scientifique travaille en oubliant ses intérêts personnels, ses motivations extrascientifiques, et qu’il est entièrement acquis à la recherche de la vérité. Le scepticisme organisé (ou doute systématique) empêche que des résultats soient prématurément acceptés : il garantit que des énoncés scientifiques seront soumis à des examens critiques approfondis avant d’être validés comme connaissances acquises. Cette norme suppose que les scientifiques aient une disponibilité permanente et systématique à la critique et à la révision de leurs connaissances. Elle abolit la distinction entre le “profane” et le “sacré”, entre ce qui peut être soumis à l’analyse critique et ce qui doit être admis sans critique. La discussion des travaux (pertinence de la question, méthode, résultats…) est un gage de stabilité des connaissances à un moment donné. Le respect des normes est conditionné par un environnement social. Lorsqu’elles ne peuvent être respectées, l’activité scientifique risque de perdre de son autonomie et d’être asservie à des intérêts particuliers. La construction de règles disciplinaires repose sur des préalables constitués de règles, principes, structures mentales, instruments, normes culturelles et/ou pratiques, ainsi que d’une mise en ordre du monde pour pouvoir l’étudier. La discipline n’existe pas dans la nature : elle élabore sa propre construction. De plus, elle n’est pas définie par l’objet qu’elle étudie, mais c’est elle qui finalement le détermine. Aussi, parler de soins infirmiers ou de science infirmière comme d’une évidence trouve rapidement ses limites lorsque la question de définir le champ est posée. Plan de l'articleLa science et la disciplineLes quatre normes de la scienceSoins infirmiers et discipline professionnelleLes conditions d’émergence et de construction d’une discipline scientifiqueConclusion Soins infirmiers et discipline professionnelle Généralement, il est admis que les soins infirmiers constitueraient une discipline professionnelle. Une discipline est un domaine d’investigation et de pratique marqué par une perspective unique : pratique, recherche, enseignement guident l’ensemble des activités. C’est une façon distincte de regarder les phénomènes. En tant que discipline professionnelle, les soins infirmiers2 contribuent non seulement à l’application directe des connaissances acquises au sein des disciplines académiques et fondamentales, mais également au développement de théories permettant de guider l’action, le changement et l’innovation. Les sciences infirmières sont aussi une discipline professionnelle au sens où elles appliquent un savoir dans un service qu’elles rendent à la société. L’environnement et les pratiques professionnelles changent. Aussi, la procuration donnée par la société à la discipline des soins infirmiers pour remplir une de ses missions doit faire l’objet d’un consensus. Dans cette perspective, une discipline professionnelle est le reflet de l’influence réciproque entre le savoir et la pratique. En effet, le savoir est un facteur d’évolution et de modification de la pratique, et, inversement, la pratique nourrit la réflexion et conduit à l’élaboration de nouvelles connaissances alimentant le savoir. Ainsi, en tant que discipline professionnelle, les sciences infirmières ne se préoccupent pas uniquement de produire des connaissances, mais elles doivent également juger de leur utilité et de l’utilisation effective de ce savoir. En outre, l’élaboration d’un savoir disciplinaire n’a pas seulement pour but d’offrir une représentation de ce qu’il est possible de faire, mais elle a aussi comme objectif de légitimer des actions et de les motiver. C’est ainsi qu’une discipline propose de nouvelles façons de faire et les explique par des travaux de recherche. Les soins infirmiers mobilisent un grand nombre de connaissances, dont une partie provient de disciplines connexes (biologie, sociologie, anthropologie, psychologie…). Le lien entre théorie et pratique doit être permanent, car les deux domaines se fécondent mutuellement. La maîtrise de la pratique ne tient pas uniquement à l’habileté mise en œuvre dans la réalisation de techniques juxtaposées. Elle dépend aussi du niveau de conceptualisation et de théorisation qu’elle engendre. Plan de l'articleLa science et la disciplineLes quatre normes de la scienceSoins infirmiers et discipline professionnelleLes conditions d’émergence et de construction d’une discipline scientifiqueConclusion Les conditions d’émergence et de construction d’une discipline scientifique De nouvelles disciplines naissent régulièrement. Elles se construisent à partir des fondements de disciplines constituées. Elles sont le produit de la compétition et de l’intérêt scientifique à faire des découvertes inédites et à investir de nouveaux domaines de recherche. Des scientifiques effectuent des déplacements par rapport à leur discipline d’origine en identifiant des problèmes irrésolus, des territoires inexplorés, des avancées technologiques prometteuses. Ainsi, de nouvelles spécialités émergent par migration de techniques, méthodes, concepts issus de disciplines établies. Cependant, cette volonté scientifique n’est pas suffisante. Les idées nouvelles doivent prendre appui sur des infrastructures sociales ou tout au moins recueillir une adhésion, une appréhension bienveillante des institutions. Ainsi différents facteurs qui ne sont pas hiérarchisés, et pour lesquels existent une interpénétration et une conjonction entre eux, permettent l’émergence d’une discipline. Ils sont de différents ordres : techniques, sociaux, contextuels, cognitifs (dans la mesure où les résultats sont incompréhensibles aux yeux des savoirs classiques), institutionnels (car les disciplines constituées ne se sentent pas menacées), stratégiques (par un travail créateur et innovant des acteurs). Ces différents facteurs montrent que la construction d’une discipline ne s’appuie pas uniquement sur la mise en forme et l’expansion de son savoir. Elle se fonde également sur des dimensions sociales, politiques et culturelles. Les conditions d’émergence d’une discipline tiennent à plusieurs éléments. Disposer d’un savoir. Une discipline se caractérise par des objets (savoir), des méthodes, des problèmes spécifiques lui conférant une autorité intellectuelle. De façon générale, une discipline est définie comme étant une branche d’instruction ou de savoir. Une discipline possède un savoir particulier, issu de méthodes particulières de produire et d’élaborer ce savoir. Avoir des structures de production et de transmission du savoir. La production du savoir doit être organisée. L’existence de structures identifiées (université, centres et équipes de recherche, etc.) est un des facteurs permettant de disposer de lieux et de conditions favorables à la production de connaissances et à l’instauration d’une continuité dans l’élaboration du savoir. Au cours de sa formation, un futur professionnel s’approprie le savoir, assimile cette approche du monde et l’intègre à sa propre expérience. La formation permet aussi l’acquisition de la culture scientifique, qui se compose de règles et de conventions. Progressivement, l’étudiant intègre le savoir de la discipline qu’il étudie, les méthodes et approches spécifiques, la perspective selon laquelle il convient d’aborder les situations, le champ d’intervention et de pratique. De plus, il situe le savoir et la pratique dans une continuité historique, chaque époque étant porteuse d’un contexte influencé par des conditions sociales, économiques et politiques. Les structures véhiculent des moyens matériels et intellectuels. Mais elles sont surtout des cadres dans lesquels l’évolution d’une profession et d’une discipline doit être comprise en profondeur et intériorisée. Autrement dit, des lieux dans lesquels s’acquiert une culture. Avoir une démarche collective. Une discipline est une entreprise collective qui se construit un objet autour duquel s’élabore un consensus (Laudan). « L’une des meilleures indications qu’une science nouvelle est parvenue à définir clairement ses objectifs intellectuels et à obtenir le statut d’une discipline véritable consiste en l’adoption d’un ensemble convenu de concepts et de critères de sélection fondamentaux »3 (Stephen Toulmin). Le consensus auquel la communauté parvient à un moment donné devient le paradigme. La progression constante des idées et des facteurs interférant dans le processus disciplinaire conduit périodiquement à des changements de paradigme. Disposer d’un savoir. Avoir un milieu de diffusion des connaissances : revues, colloques, associations de chercheurs, etc. Opérer une lecture politique de l’environnement. Une première étape consiste à avoir une compréhension fine de son rôle d’acteur public. La pérennisation, le développement, l’émergence de disciplines scientifiques sont aussi la résultante d’actions concertées et des capacités à influencer les prises de décision. Il convient de distinguer les trois dimensions suivantes du politique : « Premièrement, la dimension de l’activité politique comme lieu de politisation ; deuxièmement, celle des politiques publiques, où les décisions se concrétisent ou non ; et, troisièmement, la dimension des fondements de l’intervention de l’État, où se jouent les normes et les valeurs qui déterminent les choix collectifs »4. En effet, l’action des infirmières s’inscrit dans des problématiques et des choix en matière de santé publique, eux-mêmes influencés par des normes et valeurs sociétales. Plan de l'articleLa science et la disciplineLes quatre normes de la scienceSoins infirmiers et discipline professionnelleLes conditions d’émergence et de construction d’une discipline scientifiqueConclusion Conclusion Les soins infirmiers sont aujourd’hui au centre d’une convergence de conditions professionnelles, sociales, économiques et culturelles, qui permet d’engager une discussion d’envergure sur l’affirmation d’une discipline scientifique et professionnelle.
Mots-clés SCIENCES / INFIRMIER
Volume 51
703
Langue Français

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