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Fonds documentaire : Article
Titre Grossesse pour autrui : Respecter les grands principes d’éthique
Source Quotidien du médecin (Le)
Date de parution 13/03/2012
Commentaire En pleine activité législative, autour des lois de bioéthique, nous pouvons déjà faire le point sur la « grossesse pour autrui ». En effet, ni l’Assemblée nationale, ni le Sénat n’ont retenu cette possibilité dans la future loi. Dans le même temps, la Cour de cassation a refusé la transcription de leur filiation à l’état civil français aux jumelles « Menesson » : cette famille porte-parole médiatique de la « grossesse pour autrui » n’a donc pas obtenu satisfaction. On peut donc dire qu’il y a une certaine cohérence dans nos institutions, et on ne peut que s’en féliciter à ce propos tant les arguments paraissent évidents. EN PREMIER LIEU : les risques obstétricaux pour la porteuse ne sont pas acceptables quand le bénéfice n’est pas pour celle qui supporte le risque. Tous les obstétriciens s’accordent à dire qu’il y a un risque à toute grossesse et à tout accouchement, que ce risque est mal évaluable avant, même si il y a déjà eu une grossesse précédente normale : il s’agit de pathologies pendant la grossesse (dysgravidie, diabète gestationnel, insertion pathologique du placenta…), pendant l’accouchement (hémorragie de la délivrance, extraction instrumentale, césarienne), après l’accouchement (troubles de la statique pelvienne). Tout cela concerne les grossesses uniques, mais on sait bien qu’en assistance médicale à la procréation (AMP) les grossesses gémellaires sont fréquentes en raison du transfert possible de deux embryons dans l’utérus, et seront à l’origine de leurs complications spécifiques. À ces éléments pathologiques, il faut ajouter les nécessaires conséquences d’une grossesse sur le corps féminin, surtout si elle est gémellaire, qui ne sont en principe que les marques de la vie, mais de « sa » vie. Nous ne sommes pas loin de la malfaisance. Ensuite, les risques psycho-sociaux : pour la porteuse, la difficulté à ne pas investir cette grossesse, cet enfant dont elle va devoir se séparer. D’autre part, une grossesse ne se vit pas de manière isolée : les réactions de l’entourage familial (mari, enfants), social, professionnel ne seront pas simples à gérer. Enfin, les interactions fœtus-mère ne sont pas négligeables, ni sans conséquences pour l’enfant. Nous ne sommes pas en France dans un système juridique « de contrats » qui permettrait de considérer qu’on admet un risque à condition de l’indemniser à sa valeur, avec supplément à prévoir en cas de complications, comme c’est le cas dans d’autres pays. Les expériences étrangères de grossesse pour autrui (GPA) ne sont pas convaincantes, et à peu d’exceptions près, la motivation principale en est l’argent : les mères porteuses seront nécessairement des femmes dans le besoin qui sacrifieront leur corps, leur santé et leur temps pour de l’argent, dans un équivalent de prostitution qui ne dit pas son nom. Selon le degré de situation économique du pays concerné, les exemples de pratique de GPA sont différents : dans les pays pauvres, l’exploitation des femmes est évidente et évoque l’esclavagisme ; dans les pays riches, la motivation reste malgré tout économique, mais il y a effectivement quelques femmes pour qui l’état de grossesse est appréciable. Elles en tirent des avantages secondaires sociaux : « on s’intéresse à elles ». Il semble que la période de suites de couches soit très difficile à vivre pour elles en raison de la séparation d’avec l’enfant d’abord, ensuite en raison de l’isolement retrouvé. Certains médecins de centres d’AMP soulignent qu’il y a pourtant de « vraies » indications : ils évoquent ainsi les femmes sans utérus par exemple. Mais que les indications soient « vraies », strictes, ou élargies aux femmes dont la grossesse ferait courir un risque médical grave, ou encore élargies aux couples homosexuels masculins, le problème n’est pas là : il est aux mères porteuses essentiellement et il n’y a que ce problème-là à considérer. On ne peut pas, pour solutionner les difficultés d’une de nos patientes, faire prendre des risques pour sa santé à une autre, tout simplement parce que « cette autre » n’entre pas dans le champ de nos patientes. La compassion médicale, si toutefois elle doit intervenir, ne doit pas sélectionner ses champs d’action. Au total, il me semble qu’il faut protéger les femmes et leurs corps contre une exploitation et respecter les grands principes d’éthique médicale et humaine : - d’abord ne pas nuire, - ensuite respecter la non-patrimonialité du corps humain. Car finalement, c’est la femme qui paie les frais de cette évolution procréatique « moderne » : en théorie, nous disposons de tout ce qui est nécessaire pour « fabriquer un enfant », spermatozoïdes, ovocytes, utérus à « emprunter ». Du côté de ceux qui vont donner ou vendre, on voit bien que ce sera simple pour les hommes et beaucoup plus difficile et pénalisant pour les femmes. C’est bien vers une instrumentalisation de la femme que l’on risque d’évoluer. Les femmes, après une période de conquête de leur autonomie : entrée dans le monde de la culture, des études secondaires, de l’entreprise, acquisition de la possibilité de contraception, du droit à l’IVG, pourraient bien subir une sorte de retour de « boomerang » avec l’utilisation de leur corps et de leurs ovocytes pour la reproduction des autres. Cette évolution avance « masquée » car ce n’est pas d’une exploitation de la femme par l’homme dont il s’agit, mais des femmes par d’autres femmes et d’autres hommes. Certes, le but en est louable puisqu’il s’agit d’avoir un enfant, mais tout usage du corps de l’autre reste répréhensible. Tout est donc techniquement possible, le seul frein, le seul guide, c’est le droit qui oblige à respecter les grands principes d’éthique, car tout ce qui est techniquement possible n’est pas nécessairement humainement souhaitable. Le droit est bien le rempart de protection des « humains », éventuellement contre eux-mêmes, dans le respect de la dignité humaine afin de ne pas en arriver à la prévision d’Hannah Arendt : « Il se pourrait qu’un jour, nous ne soyons plus en mesure de penser ce que nous sommes capables de faire ».
Mots-clés BIOETHIQUE / FECONDITE / ETHIQUE / PROCREATION ARTIFICIELLE
Langue Français

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