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Fonds documentaire : Article
Titre Loi relative aux droits des malades et à la fin de vie : Une approche française des fins de vie
Source Espace Ethique AP-HP
Auteurs LEONETTI J
Date de parution 01/01/2007
Commentaire La loi du 22 avril 2005, d’initiative parlementaire, présente trois caractéristiques. C’est d’abord le résultat d’une méthode ; c’est ensuite le choix délibéré d’une option et c’est enfin l’affirmation de principes. La méthode a été celle de la recherche permanente d’un consensus. Celui-ci a été obtenu grâce à une volontaire distanciation par rapport aux événements médiatiques, à l’organisation de 80 auditions longues et variées, au rapprochement progressif et continu de points de vue au départ extrêmement éloignés sans rapport avec les clivages politiques habituels. Ces éléments ont permis de parvenir à un texte équilibré qui a trois objectifs : apaiser les angoisses de nos concitoyens qui appréhendent légitimement la fin de vie ; apaiser les craintes des professionnels de santé qui aspirent à des garanties juridiques dans les procédures de limitation ou d’arrêt de traitement ; réconcilier enfin les revendications de liberté de décision et de transparence des procédures de la part des malades avec le besoin de sécurité juridique des soignants. Le résultat de ces 9 mois d’auditions et des travaux parlementaires qui ont suivi est connu, : à savoir, l’adoption d’une proposition de loi dans un climat de consensus exemplaire, puisque celle-ci a été votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale et sans modification par le Sénat. Le choix délibéré d’une option : la consécration d’une voie française Quelles étaient les options qui s’offraient au législateur ? Le maintien du statu quo : celui-ci présentait deux inconvénients. Il faisait peu de cas de la demande des patients et des professionnels de voir leurs droits et leurs obligations mieux pris en compte ; il continuait à faire arbitrer ces problèmes par la justice, alors même que celle-ci ne dispose pas de repères juridiques très clairs pour trancher des situations par définitions complexes. « L’exception d’euthanasie » dans des circonstances exceptionnelles suggérées par le Comité consultatif national d’éthique dans son avis n° 63. Il est rapidement apparu que cette solution devait être également écartée car, loin de suggérer une exception de procédure, elle instituait en réalité une irresponsabilité pénale incompatible avec notre droit pénal, n’était revendiquée que par une seule association et elle aurait constitué davantage une source de contentieux et de difficultés qu’un apaisement. La dépénalisation de l’euthanasie, en s’inspirant des exemples néerlandais et belge ne pouvait pas davantage être transposée. Les députés ont, en effet, constaté qu’aux Pays-Bas, les médecins qui ne respectaient pas entièrement les critères de la loi et ceux qui continuaient à pratiquer des euthanasies clandestines, n’étaient pas poursuivis. Au surplus, ces deux législations, en ne traitant que des malades conscients, n’appréhendaient que très partiellement la complexité de la réalité de la fin de vie. La voie à laquelle s’est rallié le Parlement poursuit pour l’essentiel deux objectifs : elle reconnaît au malade le droit de s’opposer à l’obstination déraisonnable et elle encadre les bonnes pratiques médicales, lorsque le malade est conscient ou inconscient, qu’il soit ou non en fin de vie. Les principes posés par la loi La reconnaissance d’un droit à s’opposer à l’obstination déraisonnable et un encadrement juridique des bonnes pratiques médicales S’agissant du premier objectif, la proposition de loi : - pose le principe que les actes médicaux ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable, qui est unanimement réprouvée ; - définit celle ci, en recourant aux critères d’inutilité et de disproportion. Est par exemple inutile une énième chimiothérapie, alors que l’on sait pertinemment qu’aucun traitement n’améliorera l’état de santé du malade. Cette logique de renonciation à l’obstination déraisonnable doit encourager le passage d’une logique curative à une logique palliative. En codifiant par ailleurs les bonnes pratiques médicales, le législateur a eu le souci de faire reculer l’arbitraire de décisions de limitation ou d’arrêt de traitement. Sans prétendre résoudre la multiplicité des cas qui peuvent se présenter, trois cas de figure sont pris en compte par la loi : - Si le patient est conscient et en fin de vie et décide de limiter ou d’arrêter tout traitement, le médecin a deux obligations : • respecter sa volonté, après l’avoir informé des conséquences de son choix, la décision du malade étant inscrite dans le dossier médical. Ce rapport médecin/malade s’inscrit dans le cadre classique du colloque singulier ; • sauvegarder la dignité du mourant et assurer la qualité de sa fin de vie, en dispensant des soins palliatifs. Si le patient est conscient mais n’est pas en fin de vie il peut refuser le traitement. Le médecin, comme le prévoit d’ores et déjà l’article L. 1111-4 du code de la santé publique, doit tout mettre en œuvre pour convaincre le patient d’accepter les soins indispensables. Mais aujourd’hui cette législation conduit le médecin à pratiquer « le grand écart » entre ses obligations déontologiques et la prise en compte de la volonté du malade. Il fallait préciser les devoirs des uns et les droits des autres. Aussi la proposition de loi apporte-t-elle trois précisions : 1. le médecin peut faire appel à un autre membre du corps médical ; 2. le malade doit réitérer sa décision de limitation ou d’arrêt de traitement après un délai raisonnable ; 3. la décision du malade est inscrite dans son dossier personnel. En autorisant le malade conscient à refuser tout traitement, le dispositif admet également le droit au refus de l’alimentation et de l’hydratation artificielles. Cette question est délicate et controversée. Plusieurs considérations plaident cependant pour l’option retenue par le législateur. Des considérations médicales : lorsque les malades ont le choix, comme dans l’État américain de l’Oregon, entre une injection létale et l’arrêt de l’alimentation artificielle, en soins palliatifs, ils préfèrent de loin cette dernière solution qui est beaucoup moins brutale. Entre les deux options, il y a bien une différence médicale, éthique et juridique. Un article récent du New England Journal of medicine considère aussi que la suspension de l’alimentation est humaine et naturelle. Comme l’a très justement observé Jacques Ricot : « il ne s’agit nullement de donner bonne conscience au soignant par une construction intellectuelle subtile et qui pourrait apparaître passablement hypocrite, mais au contraire le législateur oblige le médecin et le moraliste à opter pour un travail exigeant de clarification : il convient toujours d’affirmer la description exacte de la situation sans céder sur l’interdit du meurtre » (Esprit, n° 315, juin 2005 ). Des considérations éthiques : tant le Cardinal Philippe Barbarin que le Père Patrick Verspieren ont fait valoir devant la Mission d’information que l’on ne saurait nourrir quelqu’un contre sa volonté. Or, lorsque le malade ne peut pas déglutir et est alimenté par sonde gastrique, il s’agit bien d’alimentation forcée. Si le patient est inconscient, qu’il soit ou non en fin de vie, la procédure de limitation ou d’arrêt du traitement doit satisfaire trois exigences : le respect de la volonté individuelle du malade, la concertation et la collégialité médicale. Le respect de la volonté individuelle du malade est pris en compte de deux manières : – si le malade a antérieurement désigné une personne de confiance, son avis, sauf urgence ou impossibilité, prévaut sur tout autre avis non médical dans les décisions d’investigation, d’intervention ou de traitement prises par le médecin ; – le malade peut rédiger des directives anticipées pour le cas où il serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Celles-ci indiquent ses souhaits relatifs à sa fin de vie. Elles sont révocables à tout moment. Elles n’obéissent à aucun formalisme particulier. Elles doivent avoir été rédigées depuis moins de trois ans. Elles auront d’autant plus de valeur qu’elles correspondront à la maladie du patient, sachant qu’en tout état de cause, le médecin ne fera qu’en tenir compte et qu’elles ne s’imposent pas à lui. Le malade pourra soit informer son entourage de l’existence de ces directives, soit de leur contenu. L’idée générale est qu’il convient de conférer à ces directives une grande souplesse dans leur rédaction et dans leurs conditions de conservation, un décret d’application en Conseil d’État devant assurer un équilibre entre le besoin de rendre cette procédure transparente et opérationnelle et la nécessité de préserver le choix intime du malade. La concertation passe par un dialogue avec la personne de confiance, la famille ou un des proches du malade et l’équipe soignante. La décision médicale repose sur une procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale. Cela signifie : – qu’il doit y avoir un collège de plusieurs médecins dont la composition sera variable, suivant qu’il s’agit de médecine hospitalière ou de médecine de ville ; – que cette décision médicale, précisément pour faire échec à toute décision solitaire, doit être le fruit d’un consensus. Dans l’esprit du législateur, ce n’est pas une simple consultation d’autres médecins mais bien une décision partagée par plusieurs médecins. – que cette décision est motivée et inscrite dans le dossier médical, sachant qu’il s’agira dans la plupart des cas du dossier médical hospitalier, puisque 70 % de nos concitoyens meurent à l’hôpital mais qu’il pourra s’agir aussi à terme du dossier médical personnel. Dans tous les cas la décision finale restera exclusivement une décision médicale. Si la famille s’oppose à la décision médicale les médecins respecteront cette volonté et n’iront pas contre la volonté de la famille, la décision étant, selon les bonnes pratiques médicales, alors reportée. L’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation artificielles peut également intervenir pour des malades en état végétatif persistant. Nous sommes là dans des cas encore plus complexes que les précédents. Le juge britannique a déjà autorisé la suppression de l’alimentation et de l’hydratation pour des malades dans un état végétatif persistant. La loi devrait permettre sans rigidité un dialogue au cas par cas entre les médecins, la personne de confiance, la famille, les proches et les infirmières. Enfin, la proposition de loi a prévu que des traitements anti-douleurs puissent être administrés au malade en fin de vie, le malade, la personne de confiance, la famille ou à défaut un des proches devant en être informés. En toute hypothèse, les soins palliatifs doivent être prodigués. Une culture des soins palliatifs Certains observateurs ont trouvé que ce texte allait trop loin, d’autres pas assez. C’est la loi du genre. Ce texte constitue un équilibre. En se greffant sur la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, en codifiant des bonnes pratiques médicales, il s’inscrit certainement dans la continuité. En faisant échec à la clandestinité et à l’arbitraire, les procédures qu’il institue marquent cependant incontestablement la volonté de favoriser une rupture réelle avec certaines pratiques et peuvent apaiser les appréhensions de nos concitoyens. Parallèlement, ce texte développe la culture des soins palliatifs, à la fois par des exigences légales imposées aux médecins et par l’obligation de créer des lits de soins palliatifs Enfin, si elle avait existé en 2003, cette loi aurait permis d’empêcher le drame qui a été à l’origine de la démarche du législateur. Les deux décrets d’application qui conditionnent la mise en œuvre de ce texte sont le gage de sa réussite. S’agissant d’une proposition de loi, le législateur ne peut manquer d’être encore plus attentif à ce que ses choix soient fidèlement pris en compte. Il conviendra à cet effet de bien veiller au respect du périmètre de la procédure collégiale, en la différenciant de la concertation avec les proches et le personnel soignant. Il conviendra de s’attacher à ce que cette collégialité médicale soit l’expression d’un consensus et enfin il sera nécessaire de s’assurer de la bonne application de la loi au regard de l’évaluation de l’offre de soins palliatifs comme l’a souhaité expressément le Parlement. Je suis donc très heureux de rappeler la lettre et l’esprit de ce texte, que d’aucuns ont qualifié d’exemplaire mais qui montre que lorsque le Parlement prend le temps et la réflexion, il sait faire œuvre utile.
Mots-clés LEGISLATION / ACCOMPAGNEMENT AU MOURANT / MORT / ETHIQUE
Langue Français

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