Cinq pour cent des femmes enceintes consomment plus de deux verres de boissons alcooliques par jour. Un pour cent des nouveau-nés présente des conséquences plus ou moins graves de l'alcoolisation fœtale. Or, un an après l'adoption d'un amendement sur l'étiquetage des bouteilles d'alcool, son application rencontre encore bien des difficultés. L'information des femmes enceintes est pourtant primordiale.
Tout ce que la mère boit est intégralement consommé par le fœtus ! En effet, l'alcool pris par la future maman passe directement par simple diffusion à travers le placenta dans le sang fœtal. Une demi-heure à une heure après l'absorption, l'alcoolémie maternelle et l'alcoolémie foetale sont équivalentes. Or, cet alcool passe ensuite dans le foie du fœtus, encore immature, qui ne parvient pas à correctement le dégrader ; son élimination sera deux ou trois fois plus longue que chez l'adulte.
Par ailleurs, l'alcool est responsable d'une diminution des échanges fœto-maternels (par spasme vasculaire), conduisant à une souffrance fœtale et parfois à la mort in utero. Enfin, et surtout, l'alcool a des effets tératogènes propres. Le risque de malformations (modification du faciès, atteinte cardiaque...) et de lésions neurologiques irréversibles est fonction du stade de développement de la grossesse, de la dose d'alcool reçue et de la durée de l'imprégnation. « Une "simple cuite" peut occasionner des dégâts irréversibles », confirme le Dr Thierry Maillard (président de l'association Reunisaf*). « Ce risque est commun à toutes les variétés de boissons alcooliques », précise celui-ci.
L'alcool est particulièrement nocif durant la période d'organogenèse (1er trimestre), mais sa toxicité sur la croissance fœtale et le développement cérébral s'exerce tout au long de la grossesse.
Informer les futures mères.
S'il est admis que le tableau typique de SAF correspond à une alcoolisation régulière supérieure à 2 verres par jour ou à des alcoolisations aiguës supérieures à 4 verres en une occasion, il est actuellement prouvé que même de petites quantités d'alcool peuvent engendrer des lésions neurologiques chez le fœtus.
Il est donc impératif de prévenir les futures mères de ce risque, qui est, somme toute, peu connu, notamment concernant une consommation modérée d'alcool. Quant aux femmes qui ont un réel problème d'alcool, le sujet étant tabou, elles hésiteront à en parler. Au médecin d'aborder le sujet, de déculpabiliser la femme et de lui proposer une prise en charge lui permettant de réduire sa consommation durant la grossesse. Quelques expériences de réseaux, regroupant médecins, psychologues, travailleurs sociaux, anciennes buveuses, se mettent en place. L'un des précurseurs, Reunisaf sur l'île de la Réunion, donne des résultats encourageants.
Parallèlement, Anne-Marie Payet, sénateur de la Réunion, s'est battue pendant longtemps pour obtenir un amendement demandant que soit présent sur l'étiquette des boissons alcooliques un message informant des dangers d'une consommation d'alcool pendant la grossesse. Cet amendement a enfin été adopté en octobre 2004 ; mais, un an après, Anne-Marie Payet reste très inquiète sur les conditions de la mise en œuvre de cette mesure.
Du retard dans l'application des mesures.
D'une part, le message sanitaire écrit prévu dans l'amendement pourrait être remplacé par un simple pictogramme (beaucoup moins explicite surtout si sa taille est réduite). D'autre part, les professionnels de la filière demandent un délai de un ou deux ans avant de l'appliquer.
Pourtant une enquête menée par l'Inpes montre que 73 % des femmes interrogées souhaitent que soient inscrits sur les bouteilles un texte écrit et un pictogramme, contre 15 % qui préférent la présence du pictogramme seul.
Même si la présence d'un message sur les bouteilles ne réglera pas tout, aucun des efforts pouvant réduire le nombre d'enfants souffrant de troubles d'alcoolisation fœtale ne doit être négligé.
