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Fonds documentaire : Article
Titre Après 35 ans, les femmes doivent consulter Pour le Dr Joëlle Belaisch-Allart, chef du service de gynécologie-obstétrique et de reproduction humaine au centre hospitalier des Quatre-Villes, à Sèvres, l'assistance médicale à la procréation ne doit pas être considérée comme « une baguette magique qui compense la chute de la fécondité avec l'âge ». Entretien avec la vice-présidente du Collège des gynécologues-obstétriciens.
Source Quotidien du médecin (Le)
Auteurs Hasendahl S
Date de parution 16/09/2008
Commentaire LE QUOTIDIEN – Le désir de grossesse à 40 ans est-il devenu plus fréquent dans votre service ? Dr BELAISCH-ALLART – Oui. Nous avons vraiment de plus en plus de demandes de patientes autour de la quarantaine et jusqu'à 45 ans. Et c'est un souci, parce que ces femmes nous confient en général que personne ne leur avait parlé de la chute de la fertilité avec l'âge. Elles sont extrêmement désemparées quand on leur dit que les résultats de l'assistance médicale à la procréation (AMP) sont beaucoup plus mauvais à cet âge et que, pour certaines, on ne pourra plus les recevoir parce que leur réserve ovarienne est épuisée. En France, on ne voit à peu près pas de demandes de femmes de 50 ans. Je ne sais pas si c'est artificiel, parce qu'elles savent qu'on ne les traitera pas, ou si c'est parce que nos compatriotes sont plus raisonnables. Est-ce une évolution récente ? On la note depuis les années 1980. Avant, jusqu'au début des années 1970, l'âge de la première maternité n'avait cessé de descendre depuis le début du siècle, excepté deux petits pics après les deux guerres. Aujourd'hui, nous sommes passés à près de 30 ans pour l'âge de la première maternité. Les risques des grossesses tardives sont-ils différents selon que la femme est primipare ou multipare ? L'étude de Berkowitz, parue en mars 1990, sur les primipares de 35 ans et plus, de bon niveau socio-économique, laissait penser qu'une première grossesse à 40 ans se déroulerait mieux qu'une deuxième ou troisième grossesse. On s'est aperçu qu'en fait, ce n'est pas aussi vrai : il y a des soucis pour les deux : hypertension artérielle, fibromes, diabète, problèmes cardiaques et dysfonctionnement thyroïdien. Quel rôle les médecins doivent-ils avoir face à cette évolution ? Il faut que les médecins aient le courage de dire à leurs patientes que la fertilité féminine chute avec l'âge. Les généralistes et surtout les gynécologues doivent absolument proscrire la phrase : «Laissez faire le temps, attendez, ça va venir.» C'est presque criminel de dire ça à une femme qui a plus de 35 ans. On ne doit jamais laisser faire le temps après 35 ans, on doit consulter un spécialiste de la fertilité. Le principe selon lequel il faut attendre deux ans de rapports réguliers n'existe plus. On a le droit de commencer les explorations à partir d'un an, et même avant, au bout de six mois, si la femme a plus de 35 ans. Il faut avertir les femmes, mais également les hommes. Les rares femmes qui sont conscientes de l'horloge biologique qui tourne me disent que leur conjoint n'était pas prêt, qu'il préférait encore attendre. Il faut vraiment que les hommes apprennent à s'engager et il faut que la société favorise les grossesses plus précoces. L'homme peut toujours choisir une femme plus jeune que lui. Son âge n'est-il pas toutefois également une contrainte ? Le biologiste Maurice Auroux a quand même montré dans une étude que les hommes en cours de service militaire issus de père trop jeune ou trop âgé avaient de moins bons résultats dans les tests intellectuels. Par ailleurs, les psychiatres ont une vision plutôt péjorative des adolescents nés de pères vieillissants contre lesquels ils ne s'autorisent pas à se révolter. Quels sont les arguments que vous opposez à vos patientes lorsque vous leur refusez un traitement contre l'infertilité ? En France, la Sécurité sociale ne rembourse plus les traitements sur l'infertilité jusqu'au premier jour du 43e anniversaire. Ça, on le dit, et je pense que ce seuil est tout à fait raisonnable. Dans mon centre, on accepte de traiter les femmes jusqu'à 43 ans, mais, après 38 ans, on les avertit des chutes de résultats. Il y a également certaines conditions, en particulier que la réserve ovarienne soit suffisamment satisfaisante pour permettre d'avoir quelques espoirs de grossesse. Comment peut-on informer les femmes correctement ? Je pense qu'il faut une grande campagne pour les mettre en garde contre la chute de fertilité après 35 ans. Le souci est que cette campagne est très difficile à faire passer. Ce genre de campagne a eu lieu aux États-Unis, mais elle a fait un flop, en particulier parce qu'elle a une connotation machiste : «Restez à la maison et faites des enfants.» Ce n'est évidemment pas ce que je suis en train de dire. Il est vrai que les médecins ont beaucoup insisté sur les progrès apportés par les techniques d'AMP et peut-être moins sur la chute de fertilité. L'AMP n'est en effet pas une baguette magique qui compense la chute de la fécondité avec l'âge. Certains articles l'ont dit, dont un notamment de Henri Léridon, mais ils n'ont pas eu l'écho qu'ils auraient mérité dans la presse. IL FAUT UNE GRANDE CAMPAGNE POUR METTRE EN GARDE CONTRE LA CHUTE DE LA FERTILITE Mais finalement, les femmes ne peuvent-elles pas se dire que, grâce à une bonne surveillance médicale, les complications comme le diabète ou l'HTA peuvent être évitées ? C'est pour ça que je dis que, jusqu'à 42 ans, les choses se passent assez bien et même jusqu'à 45 ans. En revanche, au-delà de cet âge, il y a effectivement plus de risques, et à 50 ans, les rares études sérieuses montrent qu'il y a une nette augmentation des complications maternelles et foetales. Pensez-vous qu'il est nécessaire d'établir un cadre légal autour des grossesses tardives ? Il y en a un puisque, dans la loi, l'homme et la femme doivent être vivants, en âge de procréer. Je ne suis pas sûr qu'il faille aller plus loin : il y a toujours des exceptions. Je viens de finir la visite dans le service d'une femme qui a perdu l'année dernière un enfant de 10 ans et qui a refait un enfant à 44 ans grâce à un don d'ovocyte à l'étranger. Je ne la juge pas. Elle n'a que 44 ans. Malheureusement, on lui a transférer trois embryons et elle a commencé une grossesse triple. Elle a accepté, face aux risques, une réduction embryonnaire. On ne peut pas interdire aux femmes d'aller à l'étranger pour revenir enceinte. Jusqu'à 45 ans, cette initiative ne me choque pas, sous réserve que l'on ait recommandé à la dame d'avoir un bilan cardiaque complet et d'avoir fait le point avec son médecin traitant. Le tourisme, que certains préfèrent appeler le nomadisme procréatif, existe et je crois que c'est une bouée de sauvetage pour certaines patientes. La ministre de la Justice qui, malgré une « vie de couple compliquée », selon ses termes, est enceinte à 42 ans ne vous contredit-elle pas ? Rachida Dati a beaucoup de chance, j'espère qu'elle en a conscience. Je ne voudrais pas pour autant que les femmes en concluent que l'on peut devenir enceinte facilement à 42 ans. Ce n'est pas vrai. La fécondité spontanée est très faible, c'est moins de 6 % de chance par cycle et en fécondation in vitro, c'est à peine plus élevé. Il y a quelques cas qui sont montés en épingle par les médias et qui nous font beaucoup de mal. Je pense que les techniques d'AMP permettent à 99,9 % des couples qui en ont besoin d'obtenir des enfants dans de bonnes conditions. C'est dommage qu'on parle toujours du 0,1 % de conduites aberrantes. Êtes-vous suffisamment nombreux pour répondre aux demandes d'AMP ? Non. Nous ne sommes pas assez : moi, qui suis pourtant très favorable au don d'ovocyte, j'ai dû l'arrêter dans mon service faute de temps médical suffisant. Je veux bien reprendre le don, mais il faudrait un poste de médecin en plus. D'ailleurs, l'assistance médicale à la procréation se fait de moins en moins dans le secteur public et de plus en plus dans le secteur privé. Or, actuellement, le don d'ovocyte n'est pas autorisé dans le secteur privé et je le regrette.
Mots-clés GROSSESSE / RISQUE / OBSTETRIQUE / PROCREATION / PROCREATION ARTIFICIELLE
Langue Français

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