|
|
40 ans de greffes du cœur
, Le Monde
, Nau JY
,
05/12/2007
Type |
Article |
Titre
|
40 ans de greffes du cœur
|
Source
|
Le Monde
|
Auteurs
|
Nau JY
|
Date de parution
|
05/12/2007
|
Commentaire
|
3 décembre 1967, le monde entier, stupéfait, apprenait qu'un chirurgien avait tenté l'incroyable : dans un hôpital du Cap (Afrique du Sud), le professeur Christiaan Barnard avait greffé, chez un homme de 55 ans, le cœur d'une jeune fille de 25 ans décédée d'un accident de la circulation. En quelques heures, l'information fit le tour de la planète. Les uns virent là un formidable espoir thérapeutique, le symbole d'une chirurgie triomphante. D'autres estimèrent que le fait de prélever, fut-ce à des fins thérapeutiques, un cœur humain encore battant soulevait de très graves questions éthiques.
Le patient du professeur Barnard ne survécut que dix-huit jours, mais la voie était ouverte à la greffe du cœur. La technique chirurgicale fut rapidement codifiée. Il fallut attendre la découverte de la cyclosporine, un médicament anti-rejet, pour que ces opérations soient presque toujours couronnées de succès. De nouveaux critères de prélèvement d'organes durent être établis. Avec les progrès de la réanimation, on en vint bientôt à parler de "mort cérébrale" : la démonstration de l'arrêt de toutes les fonctions du système nerveux central autorisait le prélèvement du cœur comme des autres organes et tissus transplantables.
En France, après une première tentative du Professeur Christian Cabrol, qui se termina malheureusement par la mort du patient au bout de deux jours, l'une des premières greffes du cœur réussies et durables concerna Emmanuel Vitria, un Marseillais de 48 ans, opéré le 27 novembre 1968 et qui survécut 19 ans à sa transplantation, réalisée par le Pr Edmond Henry, mort en 1972... d'une crise cardiaque.
Quarante ans après ces pionniers, la transplantation cardiaque, si elle demeure une intervention chirurgicale importante, n'est plus vécue comme un exploit technique. En France, on greffe plus de 300 cœurs chaque année (dont une vingtaine de transplantations conjointes du cœur et des poumons), et on pourrait en greffer plus si les équipes spécialisées pouvaient disposer de plus de greffons. Quelque 4 000 personnes vivent aujourd'hui avec le cœur d'un autre. Le cœur arrive en troisième position des organes greffés, derrière le rein (entre 1 800 et 2 700 par an) et le foie (entre 700 et 1 000).
"DE 'MIRACULÉS', ILS SONT DEVENUS DES ACTEURS SOLIDAIRES"
Comme toutes les greffes, celle du cœur est une activité encadrée par l'Agence de la biomédecine. Cette dernière veille notamment à ce que les principes éthiques soient respectés, qu'il s'agisse des conditions de prélèvement, de l'anonymat du donneur et, bien évidemment, de l'absence de toute forme de tractations commerciales entre le receveur et la famille du donneur. L'Agence veille aussi au respect de l'équité dans l'usage qui est fait des greffons. Vingt-six équipes chirurgicales sont habilitées à pratiquer ces greffes – celle du groupe hospitalier de La Pitié-Salpêtrière, à Paris, ayant l'activité la plus importante (86 opérations sur un total de 358 en 2006). Les receveurs sont, pour l'essentiel, des personnes en situation d'insuffisance cardiaque grave, pour lesquelles la transplantation est le seul espoir de survie à court ou moyen terme.
"Il est vrai que la greffe de cœur s'est très largement banalisée et qu'elle ne fait plus, comme jadis, la Une des médias", observe le professeur Jean-Michel Dubernard (Hospices civils de Lyon), qui a ouvert la voie, ces dernières années, à la greffe de segments de membres et de visages. "Mais on aurait pour autant tort de croire que les chirurgiens souffrent de cette banalisation, ajoute-t-il. Bien au contraire."
Des associations de malades greffés se sont développées. "De 'miraculés', ils sont devenus des acteurs solidaires à part entière, observe le Pr Dubernard. Ils sensibilisent l'opinion et militent pour le don d'organe. Certaines associations aident aussi fort utilement à la réinsertion sociale et professionnelle après la greffe." Une fédération d'associations (France-ADOT) œuvre dans chaque département pour informer et sensibiliser sur la cause du don d'organes et de tissus. Ses responsables ont fait leur la profession de foi du professeur Jean Dausset, prix Nobel de médecine : "Le don d'organes après la mort est le geste le plus noble, l'ultime sacrifice au bénéfice d'un autre souffrant... Le don de la vie, quoi de plus beau !"
Des donneurs de plus en plus âgés
- La moyenne d'âge des donneurs prélevés ne cesse de croître, particulièrement pour le rein et le foie. En 2006, selon les chiffres de l'Agence de la biomédecine, les "plus de 60 ans" représentaient 28 % des donneurs prélevés en France.
- La greffe rénale représente 62 % de la totalité des greffes en France, et a enregistré une augmentation de 42 % depuis 2000. Près de 9 % de la totalité des greffes rénales ont été réalisées à partir de donneurs vivants.
- La greffe de moelle osseuse peut permettre de guérir certains cancers du sang (lymphomes, leucémies...) et des maladies graves du système immunitaire. Mais le registre de donneurs volontaires ne compte que 150 000 inscrits en France, un chiffre largement insuffisant.
|
Fermer
|
|