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Fonds documentaire : Article
Titre Entretien avec Catherine Tourette-Turgis, chercheure en sciences de l’éducation « Grâce à l’éducation, le patient peut refuser la programmation de son destin social et améliorer sa santé »
Source Revue de l'infirmière
Auteurs Warnet S
Commentaire Catherine Tourette-Turgis est chercheure en sciences de l’éducation et maître de conférences à l’université Pierre et Marie Curie (UPMC-Sorbonne Universités) où elle a ouvert, début 2010, un master en éducation thérapeutique du patient (ETP). Elle aide de nombreuses équipes à concevoir, implanter et évaluer des programmes d’ETP. Elle est aujourd’hui engagée dans la création en France d’une nouvelle filière universitaire diplômante pour des patients “expérimentés”. La revue de l’infirmière : Qu’est ce qui dans votre parcours vous a amenée à l’éducation thérapeutique du patient (ETP) ? Catherine Tourette-Turgis : J’ai un parcours de plus de 25 ans de travail dans l’accompagnement, la formation, l’information conseil personnalisé (counseling). J’ai commencé à un des moments les plus difficiles du sida. Il s’agissait d’accompagner des personnes jeunes qui mourraient souvent seules et dans un climat d’hostilité sociale. On n’employait pas le terme d’éducation à l’époque et les spécialistes de l’éducation ne s’intéressaient pas à ce type de malades. Et pourtant, le suivi que nous avions mis au point dans les hôpitaux et les associations de malades comportait des dimensions d’apprentissages existentiels. Il nécessitait la mise en commun en temps réel des savoirs expérientiels et des savoirs médicaux car la vie d’un patient pouvait en dépendre. Il y a eu là une expertise collective partagée entre les soignants et les patients car, face à l’absence de traitements, les jeux de pouvoir avaient été mis de côté. Tout le monde apprenait de tout le monde et les savoirs, même les plus infimes, étaient partagés. En ce sens, je viens d’un courant d’éducation thérapeutique où il n’y avait pas de thérapeutiques autres que la parole, l’écoute et l’échange. Il a fallu attendre l’arrivée des antirétroviraux en 1996 pour parler de thérapeutiques au sens médical et j’ai pris l’initiative d’implanter en France un modèle de consultation d’aide à l’observance thérapeutique dans l’infection à VIH en utilisant une approche centrée sur la personne (counseling) qui a donné lieu à de multiples travaux de recherche et publications. LRI : Quel état des lieux dressez-vous à propos de l’ETP ? CTT : L’ETP a d’abord été pratiquée en première ligne par des soignants dans des disciplines médicales nécessitant de la part des patients un exercice de leurs capacités d’auto-contrôle et d’auto-surveillance comme dans le diabète. Depuis, elle a été intégrée dans le parcours de soins de patientèles confrontées à d’autres difficultés, nécessitant donc d’autres dispositifs pédagogiques. Pour l’instant, les équipes d’éducation sont aux prises avec des recommandations officielles qui les brident et j’attends avec impatience un débat national et scientifique sur les théories, les modèles et les valeurs en éducation. Personnellement, je m’inscris dans les courants des pédagogies nouvelles centrées sur l’apprenant et privilégiant l’approche par résolution de problèmes. Dans certaines pathologies, notamment celles qui exposent à la précarité et à la désaffiliation sociale, il s’agit de mettre la pédagogie au service de la personne qui, grâce à l’éducation, peut à la fois refuser la programmation de son destin social et améliorer sa santé. LRI : À quels patients l’ETP s’adresse-t-elle ? CTT : Les textes officiels disent que l’éducation doit être proposée à tout patient dont l’état le nécessite, mais de quel état parle-t-on ? Une crainte face à un soin lourd comme une chimiothérapie est-elle un état qui nécessite la mise en place d’un programme d’éducation ? Oui si le programme comporte une dimension de préparation et est conduit comme un accompagnement dans lequel les savoirs sont délivrés en fonction des priorités et des capacités de la personne à pouvoir en faire quelque chose et non pas exposés sous la forme d’un menu déroulant. L’éducation nécessite une théorie du sujet qui ne l’enferme pas dans un statut de sujet éducable ou non ; ceci est très important car on observe des attitudes visant à exclure des programmes d’éducation des patients, qui présentent des troubles de la vie psychique, qui sont sans domicile fixe. En fait, les patients qui posent problème aux équipes ont tendance à être exclus de l’offre d’éducation alors que le problème est inverse : quel type d’approche développer en direction des publics vulnérabilisés par le contexte social dans lequel ils vivent, sans domicile fixe, souffrant d’addictions ? LRI : Comment différencier information du patient et éducation thérapeutique ? CTT : Cela dépend de quel type d’informations on parle et qui la produit. Certaines informations nécessitent un accompagnement, comme par exemple l’annonce du diagnostic d’une maladie à pronostic sévère. Informer sur la maladie, les traitements, mais aussi sur les droits sociaux et les recours est un élément important si cette information vise à donner au patient une reprise de contrôle sur sa vie. Il peut être moins nocif pour le patient de bénéficier de ce type d’information que de bénéficier d’une éducation qui vise à le discipliner dans ses comportements ! LRI : Quelle est la finalité de votre projet innovant d’université des patients “expérimentés” ? CTT : Mon objectif est simple : permettre à des patients “expérimentés” de faire reconnaître leur place dans l’expertise collective en santé. Il s’agit donc de construire une offre universitaire en direction de publics qui, au décours d’une maladie, ont envie de reprendre des études et de s’engager dans une reconversion dans le domaine de l’éducation sanitaire et de la formation. Au-delà de cela, il s’agit aussi de faire que l’université s’engage à co-développer avec ces étudiants des recherches qui répondent à leurs préoccupations. Les savoirs accumulés à l’occasion d’une trajectoire de vie traversée par la maladie et des épisodes aigus sont des savoirs qui doivent bénéficier d’espaces de recueil et d’explicitation car ils sont précieux pour la société. L’éducation thérapeutique du patient, une démarche organisée L’éducation thérapeutique du patient se définit (selon le rapport OMS-Europe publié en 19961) comme un processus continu, dont le but est d’aider les patients à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique. Elle est inscrite dans la loi du 21 juillet 20092, complétée de textes d’applications3 et de recommandations. L’éducation thérapeutique s’envisage, pour la conception des programmes4, en partenariat avec les patients et les associations de patients.
Mots-clés EDUCATION POUR LA SANTE / (ETP) EDUCATION THERAPEUTIQUE DU PATIENT
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Langue Français

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