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Fonds documentaire : Article
Titre "Vaincre le regard suspicieux sur les pauvres" Questions à : Jacques Beaucourt président de la FNARS Alsace, directeur d'un CHRS du Comité d'entraide aux Français rapatriés (CEFR) à Eckbolsheim (Bas-Rhin).
Source Editions ASH
Auteurs Beaucourt Jacques
Date de parution 17/11/2006
Commentaire ASH : Quels sont les principaux constats remontés du terrain au cours de ces états généraux de l'exclusion ? J.B. : Beaucoup de situations déjà connues restent toujours d'actualité, malgré l'évolution des actions du tout caritatif au tout Etat. Mais ce dernier n'a plus les moyens d'assurer la prise en charge de toutes les situations d'exclusion. Notre idée est donc, aujourd'hui, d'interpeller non seulement les élus politiques, mais aussi le simple citoyen, pour vaincre le regard suspicieux encore souvent porté sur les pauvres et la pauvreté, et permettre l'émergence d'une véritable politique de solidarité. Parce qu'il n'est plus tolérable qu'été comme hiver, printemps comme automne, il y ait toujours des hommes, des femmes, des enfants même, à la rue. Que, face à l'errance des jeunes, il n'y ait pas de politique structurée et cohérente d'accueil et d'intégration des plus fragiles. Qu'il n'y ait pas un accueil digne des étrangers qui viennent chercher asile. Que le lien parental ne puisse pas être maintenu dans la difficulté. Que les femmes qui subissent des violences soient soumises à la "double peine" d'être séparées de leurs enfants, non seulement eux-mêmes victimes de ces violences, mais en plus condamnés à l'errance résidentielle, parce qu'ils ne peuvent pas rester avec leur mère, faute de moyens, et vont se retrouver en foyer ou en famille d'accueil. Qu'il n'y ait pas assez de peines alternatives à la prison, ni de réels efforts de réinsertion des ex-détenus à leur sortie. Que, malgré les progrès très importants liés à la couverture maladie universelle (CMU), certaines personnes ne puissent pas avoir accès aux soins dentaires ou à une paire de lunettes, et que cela leur barre l'accès à un emploi. Que l'accès des personnes précaires à la culture soit insuffisant, parce que l'insertion sociale ne passe pas seulement par l'activité professionnelle ou le logement, mais aussi par le partage, et l'adhésion à des activités culturelles. En Alsace, par exemple, nous avons noué des liens en ce sens avec des structures comme la Filature, à Mulhouse. ASH : Quelle est votre analyse des blocages qui empêchent la résolution ou la diminution des problèmes sociaux ? J.B. : Prenons l'exemple du logement social, qui est prépondérant. On nous a promis, en Alsace, la construction de 2 500 logements sociaux en 2005, alors que le nombre de demandes se situe, chaque année, rien qu'à Strasbourg, entre 7 et 8 000 dossiers, et que les sorties naturelles du parc HLM ne se font plus, faute de possibilités de relogement dans le parc privé. On était donc déjà loin du compte. Au final, nous n'avons eu que 1 500 logements sociaux créés, sur les 2 500 promis. L'écart peut s'expliquer par le manque de moyens ou la lourdeur administrative, mais aussi par un phénomène nouveau de dispersion des niveaux de compétence, avec la décentralisation. Le département et l'Etat se renvoient la balle, les intervenants ont plus d'interlocuteurs à solliciter, plus de démarches à effectuer. Cela représente une perte de temps et d'énergie considérable. Le rôle de la population n'est pas négligeable, là non plus, car les élus ne sont finalement que le reflet des citoyens que nous sommes. Or il nous arrive d'assister à des associations d'habitants, pour empêcher la construction de HLM dans leur petite ville... Le tout sur un fond sécuritaire et de craintes aberrantes. Les maires eux-mêmes sont confrontés à ce genre d'opposition, qui les empêche de construire du logement social, malgré les obligations de la loi SRU. On doit en passer par une prise de conscience générale des phénomènes de pauvreté, mais c'est très difficile. ASH : Pourquoi ? J.B. : Parce qu'on veut éviter de tomber dans un discours forcément simpliste, ou une présentation au contraire très technique. C'est tout l'enjeu de la nouvelle méthode que tente de mettre en oeuvre la FNARS à la suite de ces états généraux : ne pas s'en tenir aux constats, aux cahiers de doléances, mais porter le diagnostic réalisé sur la place publique, et formuler des propositions concrètes pour la défense de valeurs fortes, comme le droit au logement opposable. Grâce à la publication du livre par exemple, nous allons être reçus par l'ensemble des élus socialistes du Haut-Rhin et la représentante UMP à Mulhouse. Le calendrier électoral n'y est pas pour rien, bien sûr, mais l'essentiel est d'engager un début de prise en compte de nos préconisations. Les départements sont amenés à avoir de plus en plus de prérogatives en matière sociale, et il est essentiel que nous puissions être entendus des élus, de ne pas les laisser prendre leurs décisions sur la seule base de rapports de techniciens. Cet aspect positif de la décentralisation n'en compense pas les travers importants : une perte de vision généraliste, un désengagement de l'Etat ou encore un risque de clientélisme. ASH : Le constat est-il transposable tel quel en Alsace ou la région présente-t-elle des caractéristiques particulières ? J.B. : Le logement social est l'un des problèmes cruciaux de notre région, avec peu de terrains disponibles, sur un territoire à forte densité de population, proche de celle de l'Ile-de-France. Nous souffrons aussi de la réticence de certaines communes qui ne jouent pas le jeu, et dont les élus vont jusqu'à se féliciter de n'avoir aucun logement social sur leur territoire... Le traitement de "l'urgence" manque aussi de transparence, alors qu'il absorbe une bonne part des crédits de l'Etat - plus de la moitié du budget de la DDASS -. Faut-il vraiment mobiliser tous ces hôtels de 3e catégorie, dont le coût est exorbitant, plutôt que de chercher des solutions plus pérennes ? Je ferais toutefois une distinction entre le Bas-Rhin et le Haut-Rhin, où s'est manifesté un réel effort pour éviter le recours aux hôtels, avec la mobilisation, très en amont, de bâtiments tels que des foyers Sonacotra. Mais derrière le choix de l'hébergement d'urgence se cachent parfois des raisons politiques inavouables, liées à la présence massive d'étrangers parmi cette population. C'est le cas notamment à Strasbourg, qui concentre une grande partie des places du département - mais aussi du RMI (75 %) et du logement social (70 %) -. On nous tient alors des discours du genre "Il faut éviter les appels d'air, les effets d'aspirateur"... C'est oublier que les demandes d'asile ont baissé de 30 % depuis le début de l'année, en Alsace. C'est aussi ne pas tenir compte de la situation des jeunes en errance. Selon une étude menée il y a environ deux ans, la moitié des demandeurs d'hébergement étaient en effet âgés de moins de 25 ans et, en grande majorité, originaires des régions du Grand Est. C'est un phénomène relativement nouveau, qui touche aussi bien des jeunes en couple, voire avec bébé. Un dernier point, enfin, qui nous tient à coeur, ici en Alsace, c'est celui de l'insertion par l'activité économique. La région a en effet une tradition de longue date des ateliers et chantiers d'insertion, qui emploient entre 1 700 et 2 000 personnes par an. Or, ils se trouvent en grande difficulté, à la suite des lois Borloo, qui ont amélioré les droits des salariés. C'est une bonne chose, mais du coup, les ACI doivent gérer un coût supplémentaire de 200 euros par mois et par salarié, dans un contexte de baisse des subventions publiques. C'est mission impossible, sans réorientation de l'activité, et en restant ciblé vers les publics les plus éloignés de l'emploi.
Mots-clés PAUVRETE
2477-2478
Langue Français

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