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Fonds documentaire : Article
Titre Handicap : en finir avec les tabous
Source Sciences humaines
Auteurs GARDOU C
Date de parution 01/02/2010
Commentaire Sexualité, maltraitance, dépendance… Selon Charles Gardou, la loi du silence en matière de handicap n’est pas encore brisée. Les personnes en situation de handicap représentent 10?% des 737 millions d’habitants des 49 pays et territoires du continent européen. A l’échelle de la planète, on estime leur nombre à 680 millions, dont 80?% vivent dans les régions rurales en voie de développement. Par malnutrition, une personne devient aveugle toutes les 4 minutes. De la maladie au défi social Nos opinions sur elles ont été remises en question par de nouvelles législations, des conventions internationales (1), et des soubresauts culturels (telle la statue érigée pendant quelques mois à Trafalgar Square en l’honneur d’Alison Lapper, enceinte, née sans bras et aux jambes atrophiées). Néanmoins, nous réduisons encore, peut-être inconsciemment, ces personnes à leur déficience, et les pensons inconciliables avec les exigences de notre société. On amalgame la maladie, qui relève du soin, et le handicap, qui correspond à la situation qui peut en résulter et représente un défi social à relever. Aussi parler de situation de handicap n’est pas, loin s’en faut, de l’ordre du tour de passe-passe terminologique. A concevoir le handicap comme seul attribut de la personne, les visages s’effacent à l’aune de la catégorie?: les «?handicapés?», les «?déficients moteurs?», les «?autistes?», etc. Je songe en particulier aux personnes en situation de grande dépendance, à celles que l’on dit polyhandicapées (2), dans l’impossibilité de formuler elles-mêmes leurs réels besoins et désirs. On constate ici une absence patente de véritables études de besoins. Au cours des dernières décennies, seules ont été conduites des enquêtes «?épidémiologiques?», à dominante médicale et focalisées sur la dimension quantitative. Les personnes en situation de handicap subissent encore des violences, parfois d’autant plus insidieuses qu’elles s’ignorent telles?: incompréhension, indifférence, négligence, mise à l’écart. Suite à la sombre affaire des disparues de l’Yonne, on se souvient du rapport sur la protection des adultes et enfants handicapés contre les abus (3), et de celui de la Commission d’enquête sénatoriale sur la maltraitance dans les établissements et services sociaux et médicosociaux (4). Ce dernier, déplorant la loi du silence, relevait des maltraitances actives mais surtout, en creux, caractérisées par des formes de négligence, d’abandon matériel ou affectif, liées à un manque de personnel, de formation ou de contrôle, au désintérêt de l’Inspection générale des affaires sociales et à l’absence d’une culture de la bientraitance. La première conférence nationale du handicap du 10 juin 2008 a d’ailleurs reconnu la pénurie en établissements et services pour enfants et adultes et a donné lieu à l’annonce d’un plan de 50?000 nouvelles places, prioritairement dédiées aux personnes atteintes d’autisme, de polyhandicap, de traumatisme crânien et de handicap psychique. Le manque de moyens contraint à un exil vers des institutions hors frontières, notamment vers la Wallonie pour environ 3?000 enfants autistes (5). Devenir acteur de sa propre histoire A cause d’une tradition caritative, il demeure néanmoins difficile de concevoir que les réponses à apporter procèdent moins de la bienfaisance que de l’intelligence et des droits humains. L’accès à l’autonomie et à la citoyenneté est encore souvent envisagé sous le seul angle de la mise en accessibilité des espaces ou des services. Cette conception étriquée occulte qu’être citoyen, c’est se sentir autonome dans la cité?: devenir acteur de sa propre histoire, capable d’identifier ses besoins, de reconnaître ses désirs, de formuler ses demandes, d’agir ses projets et se sentir responsable de la communauté, capable d’engagement pour l’avenir commun. S’agissant de l’école, doutant de la «?productivité scolaire?» des élèves en situation de handicap, on s’interroge sur les bénéfices de leur présence pour les professeurs, les camarades, les autres parents. La question est biaisée?: elle n’est pas de savoir ce qu’ils apportent à la communauté scolaire. Plus simplement, ils exercent leur droit à apprendre parmi leurs pairs. Quant à la vie affective, malgré quelques évolutions, nous restons dans une culture de l’esquive et des silences embarrassés sur l’expression de l’affectivité et de la sexualité des personnes en situation de handicap. Dans nombre de nos structures, on s’en tient à des interdits, sans offrir une place à l’intimité, contrairement à la Hollande ou à la Suisse, on l’on a franchi le pas, en osant, par exemple, recourir dans certains cas à une assistance humaine. Inclure définitivement le handicap Quels leviers actionner pour se départir de ces formes d’obscurantisme?? C’est le savoir qui travaillera en profondeur notre pâte culturelle. Globalement, les professionnels se disent impréparés à faire face au handicap, qu’ils considèrent «?extraordinaire?» dans leur pratique quotidienne. On se cantonne à les sensibiliser, à leur transmettre des recommandations ou des contenus généraux, le plus souvent inopérants. Cette carence formative compromet l’application des lois, freine les évolutions culturelles, met en péril la réussite des parcours individuels, génère des discriminations et des maltraitances. Ainsi une tentation perdure dans notre pays?: celle de placer ces «?personnes spéciales?» dans des lieux spéciaux sous la responsabilité de spécialistes. Or si nous aspirons à une société plus inclusive, comment se satisfaire de la formation de quelques «?spécialisés?» ou «?spécialistes?»?? Car loin d’être une préoccupation de la marge, ce qui caractérise cette problématique, c’est bien sa signification d’universalité. Elle ne laisse rien de côté?: l’homme dans sa société, sa culture, son monde, face à lui-même et à «?ses autres?». Elle en est le miroir grossissant, l’amplification. Le véritable tournant culturel aura lieu lorsque, comme en Suède, notre pays n’aura plus recours à des législations spécifiques. A cet égard, la loi de 2005 apparaît comme une étape, avant une prise en compte systématique de la dimension du handicap, assortie de mesures compensatoires, dans toutes les lois et politiques de droit commun. Le recours actuel à des termes, comme celui de société inclusive, traduit déjà un double refus. D’abord le refus d’une école, d’un univers professionnel, de lieux de culture, d’art, de sport, de loisir, dont les seuls bien-portants se penseraient propriétaires. Ensuite le refus de l’exil de ceux que l’on juge gênants, incompatibles. Dans cette perspective, notre organisation sociale est appelée à se faire flexible et à modifier son fonctionnement. Il s’agit de déshypothéquer le droit de chacun à y accéder. De dépénaliser définitivement le handicap.
Mots-clés HANDICAP
Langue Français

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