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Fonds documentaire : Article
Titre La crise de confiance des jeunes français
Source Sciences humaines
Auteurs Fournier M
Date de parution 01/07/2009
Commentaire Comment analyser la crise de confiance de la jeunesse vis-à-vis de son avenir?? Pour le sociologue Olivier Galland, le système scolaire français, très compétitif et fasciné par le diplôme, est en grande partie responsable. La jeunesse n’est-elle pas un privilège?? Avoir la vie devant soi ne conduit-il pas à envisager l’avenir avec optimisme, en pensant aux chances de progrès et aux réussites possibles?? C’est ainsi que le considèrent les jeunes de nombreux pays développés, notamment en Europe du Nord et aux États-Unis, mais pas en France, constate le sociologue Olivier Galland, qui a participé à de nombreuses études internationales. Ainsi, 60?% des jeunes Danois affichent une bonne confiance en leur avenir contre 20?% chez les Français. La jeunesse hexagonale se caractérise par un profond pessimisme sur son avenir personnel et celui de la société en général. Nombreux sont les sociologues qui pointent cette crise d’une jeunesse décrite comme sous-dotée économiquement, sous-encadrée moralement, sous-représentée politiquement… Tous cependant n’ont pas les mêmes analyses. Pour O. Galland, il convient de nuancer certaines d’entre elles. Si les jeunes Français ont peur, explique-t-il, c’est surtout parce que la société française ne parvient pas à leur donner confiance… Les facteurs économiques peuvent-ils expliquer le malaise actuel des jeunes que vous décrivez dans votre ouvrage?? Acquérir un statut professionnel nécessite un parcours long et difficile… Certains sociologues en outre parlent de déclassement des jeunes générations par rapport à leurs aînés. Qu’en pensez-vous?? Effectivement, la flexibilité de l’emploi se concentre presque exclusivement sur les jeunes – avec notamment le début de carrière par les contrats à durée déterminée (CDD) –, spécialité bien française, et ceci pour les diplômés comme pour les autres. Mais cette instabilité n’est pas durable : entre 25 et 30 ans, 80?% des jeunes finissent par obtenir un CDI. Pour les diplômés surtout, la jeunesse est devenue aujourd’hui une phase d’ajustement nécessaire entre les aspirations et le statut. La période de tâtonnement, durant laquelle on s’interroge sur la voie à prendre, n’a pas que des raisons économiques et finit par déboucher sur une stabilité. La situation est beaucoup plus grave pour les non-diplômés, dont la situation se dégrade considérablement, avec des difficultés croissantes à s’intégrer dans l’emploi, auxquelles se conjuguent souvent les difficultés familiales, la pauvreté, etc. La condition des étudiants est plus favorable que celle des jeunes actifs du même âge. On avance parfois des chiffres exagérés sur la pauvreté des étudiants. Même si certains sont effectivement en difficulté, ils disposent d’une gamme de ressources variées?: bourses, aide au logement, petits boulots, aide des parents pour certains… Et les études supérieures sont un investissement pour leur avenir. Sur le plan du déclassement, je pense que l’on noircit le tableau?: l’ascenseur social n’est pas en panne, il fonctionne au ralenti. Il existe toujours de la mobilité sociale en France?: un tiers des enfants d’ouvriers et d’employés deviennent cadres (supérieurs ou moyens), c’est à peu près le même chiffre qu’il y a vingt-cinq ans, le flux est donc resté constant. Bien sûr, si l’on compare cette mobilité à celle des trente glorieuses, on peut dire qu’il y a dégradation. Mais cette période a été exceptionnelle pour l’ensemble de la population… D’où vient alors pour vous cette crise de confiance de la jeunesse?? Sans nier le rôle des facteurs économiques, je crois qu’elle vient surtout de la conception française de la méritocratie. Le système scolaire n’a pas su s’adapter à la démocratisation quantitative de l’enseignement secondaire et supérieur, démarrée depuis les années 1970. On est resté sur le modèle élitiste de l’école républicaine qui sélectionne et élimine pour trier les pépites qui formeront l’élite, plutôt que de s’attacher à promouvoir la réussite de chacun à son niveau. L’enseignement actuel ne prend pas en compte la diversité des talents et des aspirations des nouveaux publics?; il assigne à une compétition individuelle qui met trop de jeunes en échec. 20?% sortent de l’école sans diplôme. Et le système génère beaucoup de découragement et de doute sur l’estime de soi pour les élèves moyens qui ont le sentiment d’être relégués dans tout un ensemble de filières dévaluées Dans une école de masse, il faut, comme le disait le rapport Thélot, une inégalité de traitement pour générer l’égalité. Et comme les jeunes – toutes les enquêtes le montrent – se conforment très fortement à ce que l’école dit d’eux, tous ces facteurs engendrent fatalisme et résignation… Ajoutons à cela qu’il existe en France une sorte de fétichisation du diplôme, qui fait que le classement scolaire semble déterminer le destin de chacun pour la vie de façon irrémédiable. En forçant peut-être un peu le trait, je dirais que l’on apprend aux jeunes à avoir peur?! Ils sont victimes eux-mêmes de l’illusion égalitaire. Mais ils ont le sentiment d’être dans un système opaque où seuls les mieux informés parviennent à s’en sortir… C’est pourquoi d’ailleurs, lorsqu’on leur propose des réformes (comme la réforme des lycées de Xavier Darcos à la rentrée 2009), ils s’y opposent par crainte d’y perdre plus que d’y gagner. On est actuellement dans un cercle vicieux?: les jeunes se méfient des responsables politiques et ces derniers ont peur des jeunes?! La manière dont sont conduites les réformes, sans transparence et sans faire l’effort politique et pédagogique d’en expliquer les bénéfices attendus, participe de ce climat de défiance généralisée caractéristique aujourd’hui de la société française… En France, on aurait, selon vos analyses, tendance à considérer la jeunesse comme un danger ou un problème, alors que l’on devrait la voir comme source de dynamisme, d’innovation, de renouvellement… On la voit peu ainsi actuellement. Les jeunes eux-mêmes ont davantage une image victimaire de leur situation. C’est ce couvercle qu’il faudrait faire sauter… C’est tout l’opposé dans les pays du Nord de l’Europe.Au Danemark par exemple, il existe une culture de l’autonomie qui fait que les jeunes – avec des aides de l’État – peuvent très vite être indépendants de leur famille. Dans la plupart des pays nordiques, il existe une culture de la confiance grâce aux méthodes scolaires qui ne sont fondées ni sur la compétition, ni sur la sélection ou les redoublements… Les rapports élèves-professeurs sont beaucoup plus coopératifs et égalitaires qu’en France. Les jeunes n’ont pas le sentiment que tout se joue à l’école et tentent ensuite un certain nombre d’expériences pour trouver leur voie, en les vivant comme une période d’enrichissement personnel et non d’instabilité destructrice. Il serait très utile que la France prenne conscience que son système éducatif fonctionne comme une machine à casser les destins. La façon dont est conçue la formation des jeunes en France est un révélateur de la façon dont une société considère sa jeunesse ou ne la considère pas… Voir les chiffres de l’Observatoire national de la vie étudiante disponibles sur?: www.ove-national.education.fr «?Pour la réussite de tous les élèves?», rapport de la Commission du débat national sur l’avenir de l’école présidée par Claude Thélot, La Documentation française, 2004.
Mots-clés ADOLESCENCE / SOCIOLOGIE
Langue Français

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