Relation entre l'alliance thérapeutique infirmière-patient, et les contrôles perçus par le patient en traitement de dépendances : une étude corrélationnelle descriptive
La dépendance à la drogue est fortement stigmatisante (De Vargas, Luis, 2008) ; (Goffman, 1975); et les patients dépendants interviewés par Holzer, 2007, dans une étude qualitative sur le vécu de leur hospitalisation, ont souvent eu l’impression d’être plutôt traités en fonction des stigmates que le personnel soignant leur attribuait plutôt que de leur individualité. Il semblerait que la dépendance ne soit encore pas partout perçue comme une maladie (De Vargas, Luis, 2008) ; (Holzer, 2007). Holzer, 2007, mentionne aussi que les interviewés ont exprimé avoir subi des contrôles spécialement conçus pour eux et lors d’accusations, il leur a été imparti de se justifier. La peur d’endurer ces discriminations amène à un processus circulaire augmentant les réactions défensives et pouvant diriger le personnel de l’hôpital à adopter d’autres comportements discriminants. Tous ces éléments entravent la mise en place d’une relation harmonieuse avec le personnel de l’hôpital, amenant les patients à croire qu’ils ne reçoivent pas les mêmes soins que les autres (Holzer, 2007). D’autres auteurs mentionnent également que les patients étiquetés en tant que toxicomanes vivent une barrière dans leurs relations avec les professionnels de la santé et qu’ils ont l’impression d’être victimes de diverses mesures discriminatoires, comme par exemple la diminution de l’empathie et de l’engagement du professionnel, le pessimisme par rapport à ce qui peut être fait pour leur santé ou encore des jugements sur leurs comportements et leurs choix de vie (Richard, Lussier, 2005).
Prévalence et pertinence clinique.
En Suisse, 33.4 % des femmes et 37.5 % des hommes consomment au minimum 1 à 2 fois de l’alcool par semaine. 2.4 % des femmes entre 15-59 ans et 6.6 % des hommes entre 15-59 ans consomment du cannabis. 0.6 % des femmes et 1.0 % de la société consomment des drogues illégales (Office fédérale des statistiques, Enquête suisse sur la santé, 2007).
Dans l’institution où se déroule la présente étude, 299 personnes ont été hospitalisées en 2009 pour des dépendances à l’alcool, ce qui signifie une augmentation de 30 % depuis 1998. Concernant la toxicodépendance, le rapport annuel 2009 dénombre 124 personnes, soit une diminution de 11 % en comparaison avec l’année 1998. Dans l’unité des soins de traitement des troubles addictifs, le rapport annuel rapporte 7 876 journées d’hospitalisation.
Dans de nombreuses institutions en Suisse, les contrôles de prises de substances pratiqués au cours de l’hospitalisation sont effectués par les infirmières. A priori, ces contrôles ne semblent pas compatibles avec une relation de confiance, base d’une alliance thérapeutique. De plus, en observant la pratique, nous nous apercevons que dans certaines institutions traitant les dépendances, ce sont d’autres professions telles que les assistants sociaux ou les psychologues, qui ont pris la place du rôle de l’infirmière dans la relation d’aide. Dans une perspective centrée sur le patient et de qualité des soins, et dans le cas où les contrôles sur la consommation de substances se révèleraient négatifs pour la relation infirmière-patient, une restructuration de l’activité de contrôle devrait être envisagée. En effet, au vue de leurs compétences, le patient ne pourra que profiter du maintien de l’infirmière et du médecin comme personnes de lien principales dans l’accompagnement des patients lors du traitement de leur dépendance. Cette problématique, sous-estimée dans la littérature scientifique, est issue de la pratique de l’infirmière et est primordiale pour le développement du rôle de l’infirmière dans le cadre de traitements des dépendances.
